Comment mettre en œuvre des tâches d’écriture

avec des élèves sourds de cycle II ?
 
 

Sommaire
 
 
 
 
 

Introduction *

1. Produire des écrits *

1.1 - Pourquoi écrire ? *

1.1.1 Ecrire pour communiquer une information *

1.1.2 Ecrire pour conserver une information *

1.1.3 Ecrire pour lire ou faire lire *

1.1.4 Ecrire pour accompagner la pensée *

1.2 - Comment écrire ? *

1.2.1 Les diverses opérations intervenant dans la rédaction d’un écrit *

1.2.1.1 Les opérations de planification *

1.2.1.2 Les opérations de mises en texte *

1.2.1.3 Les opérations de révision *

1.2.2 Ecrire nécessite certaines compétences linguistiques *

1.2.3 Ecrire nécessite d’acquérir une conscience phonologique *

1.2.4 Ecrire nécessite d’apprendre à se distancier *

1.3 - Produire des écrits à l’école élémentaire : références aux textes officiels. *

2. Situations d’écriture avec des enfants sourds * 2.1 - L’entrée dans l’écrit pour les enfants sourds *

2.2 - Analyse de processus rédactionnels d’enfants sourds *

2.2.1 Analyse des opérations de planification *

2.2.2 Analyse des opérations de mise en texte *

2.2.2.1 Analyse des productions des élèves du point de vue pragmatique *

2.2.2.2 Analyse des productions des élèves du point de vue sémantique *

2.2.2.3 Analyse des productions des élèves du point de vue morphosyntaxique *

2.2.3 Analyse des opérations de révision *
3. Comment permettre aux élèves d’évoluer dans leurs productions d’écrits ? * 3.1 - Développer les compétences linguistiques des élèves *

3.1.1 Respecter le projet linguistique de l’enfant *

3.1.2 L’intérêt du Langage Parlé Complété (L.P.C) *

3.2 - Multiplier les situations de lecture et d’écriture *

3.3 - Construire, avec les élèves, un projet d’apprentissage *

3.4 - Aider les élèves dans la gestion de la charge cognitive *

3.4.1 L’importance des opérations de planification *

3.4.2 Le recours au travail de groupe *

3.4.3 Rendre les élèves autonomes face à une situation d’écriture *

Conclusion *

Bibliographie *
 
 

Introduction

Ecrire, c’est produire un texte, c’est mettre en mots : on écrit un roman, une lettre, un article de journal…Ecrire, c’est aussi produire les signes visuels qui composent le texte écrit ; c’est produire la matérialité du message écrit ; il faut distinguer le texte, " ce qui est écrit ", et la graphie du texte, " la manière de former les lettres " ; je m’intéresserai à l’aspect " expression écrite " plutôt qu’au " geste graphique " de l’écriture, cependant, il est très important de garder en mémoire cette ambiguïté du terme écriture qui témoigne de sa difficulté.

La production d’écrits prend une place essentielle dans les programmes de l’école primaire auxquels se réfère tout enseignant de l’Education nationale. Cette importance s’explique : notre société est une société de culture écrite, l’histoire nous montre l’importance capitale pour un pays de droit comme la France de la " chose écrite ". Il suffit de penser aux codes juridiques, à l’état civil, aux actes de propriété…L’écrit est omniprésent…Dans une société telle que la nôtre, quiconque ne sait pas manier l’écrit est, en pratique, exclu du pouvoir social et tributaire d’autrui pour les actes les plus humbles de la vie quotidienne (envoyer un courrier à un ami ou régler des tâches administratives…) et cela est encore plus vrai pour les personnes sourdes qui se trouvent parfois face à des problèmes de communication importants.

" L’homme de la rue " pense souvent que, puisque la vision est disponible chez ces personnes sourdes, l’accès à l’écrit ne doit leur poser aucun problème. Malheureusement, la surdité grève souvent leur accès à l’écrit. J’ai pu le constater au cours de mon expérience.

" Comment mettre en œuvre des tâches d’écriture avec des élèves sourds de cycle II ? " Cette question me semble primordiale parce qu’elle m’ amène à comprendre comment adapter ma pédagogie aux enfants sourds afin de leur permettre d’acquérir les compétences nécessaires à la production d’écrits.

Au cours de la première partie de ce mémoire, j’ai jugé intéressant de m’interroger sur la signification de " produire des écrits " en définissant le statut de l’écrit ainsi que les compétences nécessaires à la production d’un écrit ; écrire est une activité complexe dans laquelle sont mobilisées beaucoup d’opérations intellectuelles simultanées et interactives, cette constatation laisse entrevoir toute la difficulté de la tâche d’écriture. Cette première partie définit également la place de la production d’écrits à l’école, et plus précisément au cycle des apprentissages fondamentaux, par la référence aux textes officiels. Afin de comprendre quels peuvent être les processus rédactionnels d’enfants sourds et ainsi leurs besoins en situation d’écriture, la deuxième partie de ce mémoire fera l’objet d’analyses de ces situations avec des élèves sourds. Dans une troisième partie, je rechercherai en quoi et comment le maître peut aider ses élèves sourds à évoluer dans leur tâche d’écriture. Ces réflexions qui seront essentiellement centrées sur le cycle II seront enrichies par de diverses lectures théoriques, par des discussions avec d’autres enseignants ainsi que par mes observations de classe et mon expérience. Les analyses de processus rédactionnels d’enfants sourds rapportées dans ce mémoire se limitent à des écrits fictionnels.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

  1. Produire des écrits
    1. Pourquoi écrire ?

    2.  

       

      Ecrire est une tâche quotidienne qui satisfait des besoins divers. Les enjeux des écrits sont très différents d’un écrit à un autre.
       
       

      1. Ecrire pour communiquer une information

      2.  

         

        Ecrire est un acte de communication qui relève de la fonction linguistique.

        L’écrit est " un objet vivant  servant à communiquer au sens large, c’est-à-dire informer, mémoriser, prescrire, provoquer et exprimer des actions, des attitudes ou des sentiments ".

        Pour la personne sourde, l’écrit peut représenter une aide, un complément à la communication orale. L’écrit représente, pour les personnes sourdes, un réel enjeu qui leur permet de communiquer, même et surtout à distance (grâce aux lettres, au minitel, à Internet…).

      3. Ecrire pour conserver une information

      4.  

         

        Le message écrit continue à exister matériellement après avoir été reçu. Contrairement au message oral, l’écrit est permanent, cet écrit peut être relu autant de fois qu’on le souhaite en restant inchangé. Ainsi, même si la technique offre d’autres supports et modes de communication, l’écrit reste le moyen de plus souple et le plus fiable de conserver et de communiquer l’information.

        Ecrire, c’est stocker de l’information, soit pour la communiquer à quelqu’un d’absent à qui on ne peut s’adresser oralement (communication différée dans l’espace), soit pour la retrouver plus tard sans perte d’information (mémoire : communication différée dans le temps).

        A travers ce questionnement au sujet de la finalité de l’acte d’écriture, une interaction très forte entre l’écriture et la lecture se perçoit aisément.

      5. Ecrire pour lire ou faire lire

      6.  

         

        Ecrire est un acte de communication qui présuppose qu’il existe un destinataire. L’acte d’écrire remplit, dans la vie sociale, des fonctions liées à celles de la lecture : écrire, c’est produire du texte à lire, c’est émettre un message qui sera reçu au travers d’un acte de lecture et ce n’est qu’à travers cet acte de lecture que l’acte d’écriture peut prendre sens. Réciproquement, la personne qui apprend à lire ne pourra donner du sens à son acte de lecture qu’à travers le sens qu’elle donne à ses propres activités d’écriture.

        L’écrit peut permettre aux personnes sourdes d’acquérir une meilleure maîtrise de la langue française puisqu’il leur donne les moyens d’avoir accès à cette langue qu’ils n’entendent pas ou pas bien ; la lecture représente pour ces personnes sourdes, un instrument privilégié d’accès au monde puisque celles-ci, maîtrisant la langue écrite, peuvent avoir accès aux informations véhiculées par l’écrit (livres, journaux, sous-titrages Antiope, affiches publicitaires ou non, tracts…).

        Ainsi, cette liaison entre l’écriture et la lecture renforce t-elle le rôle de l’écriture.

      7. Ecrire pour accompagner la pensée
      Ecrire permet d’accompagner la pensée, il aide au raisonnement et à l’organisation des connaissances.

      Concrètement, l’écrit ne commence pas à la feuille de papier format A4 photocopiée par l’enseignant et mise sous le regard des enfants, l’écrit ne se fabrique que très peu à l’école. L’écrit est un monde économique, industriel, commercial dont le fonctionnement même détermine la nature, la présentation, le contenu des écrits produis. L’activité sociale d’écriture relève d’enjeux très variés et se traduit donc par une très grande diversité des productions. Puisque l’importance de l’acte d’écriture n’est plus à démontrer, il s’agit maintenant de comprendre comment écrire.

    3. Comment écrire ?
      1. Les diverses opérations intervenant dans la rédaction d’un écrit

      2.  

         

        Afin de dégager les différentes opérations qui intervenaient dans la rédaction d’un texte, j’ai choisi de reprendre les études réalisées par John R. Hayes et Linda S. Flower (reprises par Claudine Garcia-Debanc dans L’élève et la production d’écrits). Ceux-ci proposent un modèle d’organisation de ces opérations présenté sous la forme d’un schéma qui figure en annexe 1; même si ce modèle peut paraître simpliste, il permet de dégager des aspects importants de l’activité d’écriture.

        Les principales opérations sont les opérations de planification, les opérations de mises en texte et les opérations de révision, opérations composées elles-même de plusieurs " sous-opérations " . Ce modèle considère également le contexte de réalisation de la tâche d’écriture ainsi que la mémoire du scripteur qui sont des aspects importants.

        1. Les opérations de planification
Elles consistent à définir les enjeux de l’écrit à produire (" Pourquoi j’écris ? A qui est destiné mon écrit ? ") et à établir un "  plan-guide " de l’ensemble de la production. Selon Claudine Garcia-Debanc, ces opérations occupent plus des deux tiers du temps d’écriture des scripteurs experts ; cette remarque nous fait prendre conscience de l’importance de ces opérations de planification.
        1. Les opérations de mises en texte
Elles représentent les activités liées à la rédaction. Le scripteur doit gérer une suite d’énoncés qui doivent être syntaxiquement et orthographiquement acceptables. Pour cela, il doit faire face à des " contraintes locales " (la microstructure : syntaxe de phrase, orthographe, vocabulaire…) et des " contraintes globales " (la macrostructure : type de texte, cohérence…).

Ainsi, pour écrire de façon efficace, le scripteur doit être attentif, même inconsciemment, aux points de vue d’analyse suivants :

        1. Les opérations de révision
Le scripteur expert se caractérise par des allers et retours permanents entre les différents niveaux de ces opérations. Le temps consacré à ces diverses opérations et l’ordre dans lequel elles s’effectuent sont très variables suivant les rédacteurs et les situations. Certains rédacteurs procèdent pas à pas en essayant de produire des phrases parfaites, les unes après les autres ; certains griffonnent les idées qui leur viennent à l’esprit et reprennent leur texte ensuite ; d’autres ne passent à l’écriture que lorsqu’ils disposent de tous les éléments pour rédiger une version quasi-définitive de leur texte ; d’autres encore procèdent par " esquisses " successives : ils réalisent un plan d’ensemble du texte, l’écrivent entièrement, puis opèrent une révision portant sur la totalité du brouillon…
      1. Ecrire nécessite certaines compétences linguistiques

      2.  

         

        Comment écrire sans aucune compétence linguistique ? Comment écrire dans une langue que l’on ne connaît pas ?

        Pour écrire, il faut acquérir des compétences permettant le respect de la microstructure (syntaxe, orthographe…) mais également le respect de la macrostructure (caractéristiques du type d’écrit, de son enjeu…). En effet, de même que la tâche du lecteur sera simplifiée si celui-ci a des attentes justifiées vis à vis de son écrit, il sera plus facile pour le scripteur d’écrire si celui-ci possède une représentation juste de ce qu’il veut écrire. " De même que la capacité de lecture dépend de l’étroite complémentarité entre l’identification des mots et la compréhension des énoncés ou des textes, la capacité d’écrire relève à la fois d’une aptitude à écrire, c’est-à-dire à gérer toutes les contraintes de l’écriture orthographique et d’une aptitude à concevoir des textes ".

        Ecrire dans une langue nécessite de prendre conscience qu’une langue peut s’écrire mais aussi de comprendre toutes les caractéristiques du système d’écriture de cette langue.

      3. Ecrire nécessite d’acquérir une conscience phonologique

      4.  

         

        Le principe qui régit notre système d’écriture est essentiellement phonogrammique, c’est-à-dire que la majeure partie des lettres constituant les mots écrits représentent les sons que l’on entend lorsque que l’on prononce ces mots. Il est vrai que tous les signes graphiques ne sont pas des phonogrammes (ce sont alors des lettres qui ne se prononcent pas), cependant Nina Catach a démontré par ses travaux que 80 à 85 % des signes graphiques du français sont des transcriptions stables de sons, les 15 à 20% restant étant des lettres qui ne se prononcent pas (à titre d’exemple : dans le mot " mangent ", les lettres " n " et " t " finales ne se prononcent pas). La présence de ces lettres s’explique souvent par la recherche de l’étymologie du mot, par la recherche de mots de la même famille, par des considérations grammaticales (recherche de la nature, de la fonction d’un mot, recherche du genre et du nombre d’un nom…).

        Ecrire nécessite de rendre consciente la structure des mots et de la reproduire de façon volontaire par des graphèmes.

        Devenir un scripteur (et un lecteur) performant présuppose ainsi plusieurs conditions. Tout d’abord, il faut intégrer la notion de représentations phonologiques se rapportant à la langue que l’on écrit ; ces représentations permettent au mécanisme d’assemblage de mettre en correspondance les graphèmes et les représentations des phonèmes de la langue écrite (cela permet de déchiffrer des mots que l’on n’a jamais rencontré à l’écrit auparavant, ce qui peut aider certains élèves à faire sens). Puis, un mécanisme d’adressage met en place des procédures d’identification automatique des mots. A ces conditions s’ajoutent la connaissance de la langue que l’on lit ou que l’on écrit et l’existence d’une " mémoire charnière " entre toutes les acquisitions.

        De même que le déchiffrage d’un texte (correspondant aux compétences de bas niveau) ne suffit pas pour lire réellement un texte, il ne suffit pas de coder par des signes visuels des mots pour écrire réellement, il faut donner du sens à l’écrit que l’on produit et permettre au destinataire de comprendre le sens de cet écrit (cela correspond aux compétences de haut niveau). Il est donc nécessaire d’apprendre à se distancier de celui-ci pour être certain de faire passer son message.

      5. Ecrire nécessite d’apprendre à se distancier
Si la langue écrite renvoie aux mots de la langue parlée, elle constitue par elle-même une autre façon de recourir au langage. " Parler, c’est à la fois dire et montrer. Dans l’écrit, il revient aux mots de tout dire, de tout signifier par eux-mêmes puisqu’ils ne peuvent plus s’aider d’une situation que l’interlocuteur verrait ou vivrait ". Pour écrire, il faut se contenter d’une représentation abstraite d’une situation de communication. Ecrire un texte suppose que l’on imagine les effets probables de la forme et du contenu du texte sur un destinataire que l’on ne connaît pas forcément. Ceci implique la nécessité d’anticiper un texte dans son ensemble et une capacité de se distancier par rapport à ce texte.

La langue écrite n’est donc pas une simple transcription de la langue orale. Même s’il y a des aspects communs, la langue écrite et la langue orale possèdent chacune un système de fonctionnement qui leur est propre. L’utilisation de la langue orale n’est possible qu’en co-présence des interlocuteurs (si l’on exclue les enregistrements) alors que l’utilisation de la langue écrite ne présuppose pas de rapport direct entre interlocuteurs, on utilise donc la langue orale et la langue écrite dans des situations différentes ; des particularités propres à ces usages en résultent.

Le langage oral s’ajuste aux demandes, aux réponses, au manque de compréhension, aux objections… Le langage écrit exige une attitude indépendante, " les faits langagiers deviennent conscients en tant que tels, ce qui fait que l’attention est plus facilement concentrée sur eux " . Alors que la situation dialogique induit un fonctionnement pas à pas, la situation de production de texte permet une gestion de la production langagière ; celui qui écrit peut modifier autant de fois qu’il le souhaite son énoncé. En effet, les relectures des textes écrits induisent, de façon assez fréquente, un travail conscient d’analyse des textes sur lesquels reposent certaines opérations linguistiques. Bernard Schneuwly insiste sur la nécessité d’un rapport " méta-textuel ", c’est à dire d’un rapport entre le scripteur et le texte. Le texte est un objet à commenter, structurer, manipuler… C’est ce contrôle du scripteur sur sa propre activité qui est un des points centraux de l’apprentissage de l’écrit.

On écrit pour soi (pense-bête, prise de notes…) ou pour quelqu’un qui, souvent, est absent (message posé sur une table, lettre…) ; on écrit à un ami ou à une administration… L’organisation des écrits varie, il est évident que l’élaboration d’écrit ne répond pas toujours aux mêmes contraintes, ce qui est pertinent ici ne le sera plus là : le journaliste n’informera pas, dans son article, ses lecteurs sur l’heure à laquelle il prend le train alors qu’il devra le signaler à son oncle qui doit venir le chercher à la gare. Il est donc impératif de définir très précisément le destinataire, la finalité de l’écrit …

Jean-Marie Besse, professeur de psychologie, s’est interrogé sur la manière dont chaque individu construit " son rapport à l’écrit ". Allant au-delà de la dimension technique, il décèle une " inscription dans une communication où l’écrit signifie à la fois prise de distance et recherche de contact. Lire et écrire, c’est rencontrer l’autre et c’est apprendre de lui…Entrer dans l’écrit recoupe alors la question du rapport au savoir mais aussi du rapport à soi : la question de l’identité et celle de la socialisation sont bien à l’horizon de la question de l’écrit ".

Concrètement, pour les enseignants de l’école élémentaire, l’écriture est un domaine pédagogique fondamental régi par un certain nombre de textes officiels. Le rappel et l’analyse de ceux-ci permettent de mieux définir comment l’acte d’écriture doit s’inscrire au cycle II de l’école primaire.
 
 
 
 
 
 

    1. Produire des écrits à l’école élémentaire : références aux textes officiels.
" Bien parler, bien lire, bien écrire  : ces trois impératifs, évidemment liés, sont la clef de la pleine citoyenneté ! " Ainsi s’exprime Jack Lang dans la préface du livret La maîtrise de la langue à l’école paru en 1992. La maîtrise de la langue orale et écrite paraît donc fondamentale pour l’intégration sociale. La présentation de ce livret insiste sur cette idée en affirmant : " l’accès à une bonne maîtrise de la langue et de la culture écrite est une condition essentielle à la réussite scolaire et, au delà, à la réussite sociale. Elle est, pour cette raison, l’objectif premier de l’école primaire ".

La maîtrise de l’acte d’écrire, loin de concerner uniquement les classes du cycle des approfondissements, se retrouve dans les compétences à développer dans chaque cycle de l’école primaire; les compétences à développer au cycle des apprentissages fondamentaux s’inscrivent donc dans une continuité d’apprentissage (cf. annexe 2).

Ainsi, et contrairement à certaines pratiques, les maîtres de classes maternelles doivent permettre aux enfants de produire des textes avant même qu’ils ne maîtrisent l’acte lexique. Le cycle des apprentissages fondamentaux vise à la compréhension des règles qui s’imposent à la langue orale et écrite et à l’appropriation de leurs codes respectifs. D’après les instructions officielles éditées en 1995, l’apprentissage de la langue au cycle II s’inscrit en priorité dans une " interaction constante entre parler, écouter, lire et écrire ". La lecture ne précède pas l’écriture ! Les textes officiels insistent sur la nécessité d’écrire souvent afin de permettre aux enfants d’acquérir de plus en plus de facilité dans leurs tâches d’écriture.

Aider ses élèves dans la tâche d’écriture consiste à développer les compétences nécessaires pour effectuer les opérations qui entrent en jeu dans la production d’écrit. Pour cela, le maître doit connaître les processus rédactionnels de ses élèves et situer ces derniers dans leur apprentissage de l’écriture afin d’en clarifier les objectifs. Afin de connaître les difficultés rencontrées par des enfants sourds en matière d’écriture, il est intéressant de les observer dans leur rapport à l’écrit et en situation d’écriture au cycle II.

  1. Situations d’écriture avec des enfants sourds

  2.  

     

    Avant toute analyse des difficultés concernant les enfants déficients auditifs, il faut insister sur le fait qu’il existe autant de cas de surdité que d’ enfants sourds : parce que leur niveau de surdité est différent, parce que chaque enfant sourd, en fonction de son milieu familial, de son éducation , de sa personnalité, de ses compétences développera des comportements bien spécifiques et enfin parce qu’un enfant sourd est avant tout un enfant, et donc un individu aussi dissemblable de ses pairs qu’un enfant entendant le sera des siens. Les difficultés des enfants sourds sont donc à analyser de ce point de vue et non de celui qui tendrait à ne considérer que sa surdité en pensant que celle-ci explique tout.

    1. L’entrée dans l’écrit pour les enfants sourds

    2.  

       

      L’objectif de l’activité rapportée dans cette partie est de développer chez des enfants sourds des compétences dans le domaine de l’écriture. Il s’agit d’une classe de quatre élèves sourds de niveau CE1 de l’institut Baguer. Les enfants ont entre 9 et 11ans ; 3 enfants présentent une surdité moyenne sévère (dont une unilatérale), un enfant présente une surdité sévère. Les enfants oralisent relativement bien et utilisent également la langue des signes (L.S.F.) pour communiquer entre eux.

      La volonté initiale des enseignants était de mener avec les enfants un projet bilingue ; en effet, ceux-ci expriment leurs difficultés à communiquer avec les enfants sans l’usage de la L.S.F., cependant le nombre insuffisant de professionnels sourds ne leur permet pas la présence d’un référent en L.S.F. dans leur classe ; la L.S.F. ne fait donc pas l’objet d’un apprentissage à l’école et puisque l’enseignante ne connaît pas cette langue, la communication entre l’enseignante et ses élèves ne s’effectue qu’en français.

      Afin de connaître quelles étaient les représentations des enfants de la classe au sujet de l’écrit et de l’écriture, ceux-ci ont répondu à un questionnaire, oralement, en français ou en L.S.F. et de façon individuelle. Les réponses aux questions posées (cf. annexe 3) témoignent d’une méconnaissance des différentes fonctions possibles de l’écrit. L’écrit se rapporte pour eux à l’école et aux domaines de connaissances qui y sont enseignés : à la question " pourquoi apprends-tu à écrire ? ", des élèves répondent " lire français, mathématiques, cahier de devoirs, pour passer en CE2… ". Certains élèves trouvent des fonctions sociales à l’écrit telles que " apprendre à écrire des catalogues, des affiches, écrire où tu habites… " mais ces réponses sont assez limitées. La tâche d’écriture se résume souvent au côté matériel : à la question " comment fais-tu pour écrire ?", les élèves répondent " stylos, la trousse, un tableau… avec la main gauche, la droite… ", un élève ajoute " et après, il faut apprendre à lire ", cet élève a déjà conscience d’une relation entre la lecture et l’ écriture mais ces réponses prouvent une lacune importante dans la connaissance des différents processus qui entrent en jeu dans la production d’écrits. Il faut reconnaître qu’il est très difficile de répondre à ces questions et que ces difficultés ne sont pas forcément propres aux enfants sourds

      L’écrit est déjà pour certains enfants une véritable pratique sociale et culturelle alors qu’il est pour certains enfants presque étranger et ce problème se pose encore plus pour les enfants sourds, tout simplement parce que c’est souvent le langage qui aide l’enfant à se construire des représentations de l’écrit à travers les interactions avec son entourage. Le " dire " qui accompagne l’acte adulte dans son rapport à l’écrit ne sera pas perçu ou mal perçu par l’enfant sourd.

      Bien sûr l’usage de la L.S.F. permet aux enfants sourds de percevoir ce rapport à l’écrit par des propos y faisant référence, cependant si les parents sont entendants (et c’est souvent le cas), ils ne connaissent pas forcément la L.S.F. et s’ils la connaissent, ils ne s’expriment pas en L.S.F. lorsqu’ils ne s’adressent pas à lui. "Il faut que je vérifie les horaires des séances de cinéma ", " où est passée la garantie de l’aspirateur ? ", " regarde sur le calendrier ! " sont autant d’interactions qui donnent du sens à l’écrit pour l’enfant qui peut comprendre le langage utilisé, même si ces interactions ne lui sont pas destinées.

      L’écrit est permanent et permet une communication différée dans le temps et dans l’espace, les enfants se trouvent donc confrontés à des écrits dont ils ne connaissent pas l’origine ni le contexte d’élaboration. Le rôle de l’enseignant spécialisé est, dans cette découverte de l’écrit, très important.

      Il ne suffit donc pas d’un " bain d’écrit " pour développer des compétences en écriture (aussi bien qu’en lecture), il faut, que cet écrit prenne sens au travers d’un discours qui en parle et fait appel à lui. Ainsi beaucoup d’enfants sourds ou malentendants ont-ils des difficultés à considérer l’écrit comme " un objet vivant servant à communiquer au sens large ".

      Cette difficulté est d’autant plus importante que la communication pose de façon fréquente beaucoup de problèmes aux enfants sourds. Selon Danielle Bouvet, dans 95% des cas environ, les jeunes sourds ont des parents entendants, la première communication peut alors être tout à fait problématique ; or Danielle Bouvet insiste sur l’importance du plaisir de communiquer qui s’installe normalement dès le plus jeune âge. Si l’on reprend les propos de Jean-Marie Besse qui affirme que " lire et écrire, c’est rencontrer l’autre ", il est possible d’expliquer les difficultés très importantes de certains enfants sourds en matière d’écriture.

      De plus, il faut préciser que la L.S.F. est une langue qui ne s’écrit pas, ainsi les enfants sourds ne découvrent t-ils l’écrit qu’à travers une autre langue écrite, les enfants ne peuvent faire le parallèle entre une L.S.F. qui s’écrirait et l’autre langue qui s’écrit.

      Afin d’aller plus en avant dans l’analyse des difficultés rencontrées par les enfants sourds lors des tâches d’écriture, j’ai choisi d’évaluer les processus rédactionnels des enfants de cette classe de l’institut Baguer.

    3. Analyse de processus rédactionnels d’enfants sourds

    4.  

       

      Le projet d'écriture mené consiste à écrire des histoires pour les lire aux élèves des classes de maternelle. Ce projet a évolué avec la volonté des enfants de réaliser des illustrations pour leurs histoires, il leur a alors été proposé de créer des albums ; seul, le travail concernant la production des textes des albums des élèves a été analysé.

      Les critères d’évaluation du maître doivent porter sur l’ensemble du processus rédactionnel de ses élèves afin de comprendre quelles sont les stratégies de ceux-ci et sur quels domaines de compétences il faut travailler ; c’est cette démarche qui est adoptée à travers cette analyse.

      1. Analyse des opérations de planification

      2.  

         

        Les échanges qui ont permis la mise en place du projet d’écriture se sont effectués en français et en L.S.F. (langue que les enfants connaissaient), ce qui a permis aux enfants de la classe d’y participer pleinement. Il faut remarquer que la communication en L.S.F. (qui mobilise le canal visuel) et en français (qui utilise le canal auditif) exige de la part des enfants sourds beaucoup d’attention et de concentration ; il leur a donc été demandé de reformuler les remarques importantes et les consignes afin de s’assurer de leur bonne compréhension.

        Les diverses interactions ont abouti à la conclusion suivante : lorsque les élèves présenteront leurs albums aux maternelles, ils se contenteront de lire exactement ce qui est écrit et de montrer les illustrations ; ces échanges avaient pour but de faire comprendre aux élèves la fonction de l’écrit qu’ils vont produire et ses caractéristiques ; l’écrit est permanent et permettra aux élèves de ne pas oublier ce qu’il faudra dire lorsqu’ils raconteront leur histoire, il permettra également aux maternelles de lire ou de relire seuls les histoires (avec l’aide de leur maître) en l’absence des auteurs de ces histoires. Il est très important que les enfants ne puissent pas s’autoriser à ajouter des informations lorsqu’ils liront leur texte, ceci fausserait la situation de communication et le texte ne contiendrait alors que certaines informations qui feraient office de pense-bête pour les narrateurs de l’histoire. Malgré ces constats, les élèves semblaient avoir des difficultés à se représenter la situation d’écriture en jeu.

        Ainsi les élèves ont-ils eu recours à d’autres histoires afin de les aider à en dégager les caractéristiques ; ils ont également écrit la fin d’une histoire, Le géant de Zéralda de Tomi Ungerer (chaque élève a imaginé sa fin d’histoire, l’a écrite, s’est corrigé, l’a réécrite et l’a présenté aux autres élèves avec beaucoup de fierté) ; l’outil informatique a été mis à la disposition des élèves afin de les aider dans les opérations de révision ; toutes les étapes de production d’écrit ont été imprimées, les élèves ont donc pu constater l’évolution de leur travail. Ils ont construit ensemble des outils évolutifs (outils 1, 2 et 3 en annexe 4) qui devaient les aider à se faire une représentation plus juste de l’acte d’écrire et du type d’écrit que représente l’histoire, ce qui devait ainsi leur permettre d’écrire une histoire.

        Alors que les enfants auraient dû commencer à réfléchir à leur histoire, ceux-ci ont attendu…Cette attente a été vite expliquée : certains pensaient qu’ils allaient choisir des livres dans la bibliothèque et les recopier, d’autres que les adultes présents allaient leur dire ce qu’il fallait écrire. Les élèves n’ont certainement pas pensé qu’on pouvait leur demander d’écrire eux-même une histoire. Quoi qu’il en soit, ils ne savaient pas ce que représentait " écrire une histoire " malgré la réflexion qui avait été menée.

        Ces difficultés de représentation de la tâche d’écriture témoignent de peu de pratique " en la matière ". Cela provient du fait que, en raison de l’ampleur de la tâche, beaucoup d’enseignants évitent de confronter leurs élèves à de réelles situations d’écriture, ceci est une grave erreur car c’est bien en étant confronté le plus tôt et le plus souvent possible à des tâches d’écriture que ces élèves pourront développer des compétences en ce domaine. Ces derniers ont donc peu l’occasion d’écrire des textes divers et ne peuvent ainsi pas en dégager les caractéristiques (ceci ne semble pas être spécifique de l’enseignement aux élèves sourds, cependant, ce phénomène s’accentue chez ceux-ci si je me base sur mes observations de classe).

        La difficulté pour les élèves provenait également et très certainement d’une méconnaissance de ce que signifie le terme " histoire " ; les élèves auraient-ils su, à ce moment, raconter oralement une histoire ? Ont-ils suffisamment eu l’occasion d’écouter des histoires pour pouvoir en imaginer eux-mêmes ?

        Les enfants ont choisi d'écrire chacun une histoire différente et se sont tous " raccrochés " à des histoires qu'ils connaissaient. Il est facile de comprendre ce besoin des enfants de s’approprier des histoires connues qui représentent pour eux des " modèles " d’écriture. Comme l’enfant apprend à communiquer oralement en reprenant par imitation le discours qu’il entend ou qu’il voit, l’enfant apprend à écrire en imitant des " modèles " d’écriture. Bien sûr, développer des compétences en écriture, c’est éviter l’imitation complète des écrits existants déjà, cependant, c’est aussi reprendre des caractéristiques de ces écrits existants. Afin d’inciter les élèves à se détacher des histoires qu’ils connaissaient, il leur a été demandé d’effectuer des modifications à ces histoires, cependant cette contrainte a été très difficile à respecter pour eux.

        Cendrillon, Les trois petits cochons, La belle au bois dormant, L'ogre sont les titres que les élèves ont choisis pour leurs histoires. Même l'élève qui a choisi L'ogre comme titre de son histoire a repris certains faits de Le géant de Zéralda.

        Les opérations de planification n’ont pas fait l’objet, dans un premier temps, d’écrit particulier portant sur les histoires des enfants (brouillon éventuel organisant les idées des enfants) ; pour les élèves, il semblait que, écrire une histoire, c’était tout de suite passer à une mise en texte parfaite. Les élèves ont assez peu réfléchi avant d’écrire, les premiers jets des enfants témoignent d’un manque de temps consacré à ces opérations de planification, cela était le rôle de l’enseignant de les guider dans la réalisation de celles-ci.

      3. Analyse des opérations de mise en texte

      4.  

         

        Après ce temps d’hésitation et de recul, les élèves ont commencé à écrire. Cette mise en texte a été assez laborieuse ; de plus, peu d’élèves s’autorisaient à revenir sur ce qu’ils avaient écrit et à raturer leur écrit.

        1. Analyse des productions des élèves du point de vue pragmatique

        2.  

           

          Le point de vue pragmatique amène le scripteur à se poser beaucoup de questions quand à la situation de communication considérée : " à qui ou pour qui écrit-on ? ", " pourquoi écrit-on ? "…L’écrit produit doit respecter ces contraintes de façon à ce qu’il produise l’effet recherché sur le ou les destinataires.

          Les élèves ont bien tenu compte de la situation d’écriture; le type d’écrit est adapté, cependant, les premiers jets ne produisent pas l’effet recherché puisque ces premiers jets ne rapportent pas la fin de l’histoire que les enfants ont en tête (et qui a été rapportée oralement) et le lecteur attend la suite; je pense que ceci s’explique par le manque de recul des enfants vis à vis de leur écrit, ceux-ci estimant qu’il ont déjà tout dit au sujet de leur histoire ; ils ne se rendent pas compte qu’elle n’est pas retranscrite entièrement sur le papier; on peut déjà, à travers ces difficultés, déceler une surcharge cognitive importante.

          Cette difficulté à terminer leur histoire s’explique également par leur découragement; leur manque de confiance en eux ne les incite pas à poursuivre un écrit qu’il ont commencé. Ils ont pourtant été félicités car ces premiers jets étaient déjà un très bon début, ce qui leur a été expliqué.

          Dans les premiers jets d’écriture, il manque des informations, ce qui gène la cohérence thématique : dans Cendrillon , le lecteur ne peut pas savoir où partent la belle-mère et les belles-sœurs de Cendrillon, il apprend que Cendrillon veut aller à la danse, quelle danse ? " Le prince " et " la fée " n’ont pas été présentés au lecteur. De même, dans L’ogre, le lecteur ne sait pas qui est " la petite fille " et pourquoi, comment elle retrouve l’ogre ; l’avait-elle perdu, déjà rencontré ?

          La difficulté, pour les enfants sourds, est donc de bien se représenter la situation de communication dans laquelle l’écrit est censé fonctionner: il faut qu’ils se mettent à la place du lecteur (dans cette situation, des élèves des classes de maternelle) pour se rendre compte de ce qui peut être compris ou non en l’absence des auteurs de cet écrit.

        3. Analyse des productions des élèves du point de vue sémantique

        4.  

           

          Si je m’attache à la pertinence et à la cohérence des informations dans les productions des élèves, je relève certaines difficultés des élèves : le lecteur de L’ogre ne comprend pas pourquoi l’ogre va dans un jardin, le lecteur de La belle au bois dormant ne comprend pas si la belle au bois dormant dort ou si elle travaille très bien, le lecteur de Cendrillon ne comprend pas pourquoi la fée (qui ne lui a d’ailleurs pas été présentée) parle à Cendrillon avant que Cendrillon ne parte la voir, pourquoi Cendrillon perd t-elle sa chaussure ? Le lecteur ne le sait pas …

          Le choix du type de texte narratif est approprié, les élèves l’ont bien utilisé.

          L’articulation entre les phrases est inexistante, les mots (connecteurs) comme " mais ", " si ", " donc "…sont très difficiles à utiliser pour les enfants sourds, en effet, leur utilisation exige une certaine maîtrise de la langue française ainsi qu’un esprit de logique d’utilisation de la langue française développé.

          Les carences en vocabulaire sont importantes, il est difficile de déceler ces difficultés dans les productions des élèves puisque les élèves se sont souvent arrangés pour placer le vocabulaire qu’ils connaissaient et, lorsqu’ils ne le connaissaient pas, ils essayaient de faire comprendre ce qu’ils voulaient exprimer, ils étaient alors aidés dans leur recherche afin d’éviter le découragement (chaque élève a pu ainsi disposer d’un outil personnel sur lequel était inscrits les mots de vocabulaire qui leur posaient problème et dont ils avaient demandé l’orthographe).

          Mon expérience, ainsi que mes confrontations avec des professeurs spécialisés me permettent d’affirmer que, souvent, les textes des enfants sourds sont peu précis, le vocabulaire utilisé est source de confusions, cela peut témoigner de difficultés dans l’acquisition du vocabulaire par les enfants sourds ; beaucoup de termes qui nous paraissent évidents leur sont totalement inconnus. Le vocabulaire qui leur est familier se limite souvent à celui qu’ils utilisent dans la vie de tous les jours : un vocabulaire se rapportant à des situations simples et à des choses concrètes. Les enfants sourds ont beaucoup de difficultés à exprimer les sentiments. Ils connaissent peu de synonymes. Une meilleure maîtrise de l’expression des sentiments ainsi qu’une plus grande connaissance du lexique de la langue française leur permettrait d’étoffer leurs productions. Ces difficultés s’expliquent bien sûr par la surdité, elles se décèlent en premier lieu à travers la communication orale des enfants sourds en langue française, si ceux-ci s’expriment oralement en langue française. Ce qui pourrait aider les enfants (et les enseignants) serait certainement de pouvoir exprimer en L.S.F. (en étant compris) ce qu’ils veulent écrire en français, ils pourraient alors faire des rapprochements de sens entre le français et la L.S.F..Les enfants et les enseignants maîtrisent-ils suffisamment la L.S.F. ? La mise en œuvre d’un projet bilingue aurait pu aider ces élèves.

          L’acquisition du vocabulaire par les enfants sourds est difficile ; en effet, la présentation d’un mot inconnu appelle toujours l’évocation de l’idée exprimée par ce mot. Quand il s’agit d’objets concrets, d’actions et de situations concrètes, l’idée est facile à évoquer et à percevoir mais lorsqu’il s’agit de mots comme " installer, avoir besoin de, pessimiste… ", des séries de situations, de scènes…deviennent nécessaires pour faire abstraire le caractère commun qui constitue l’idée. Ainsi ces termes de vocabulaire doivent-ils s’associer à des concepts déjà acquis ou en voie de l’être ; les problèmes de communication engendrés par la surdité entravent souvent l’acquisition de ces concepts.

          Pour ces raisons, l’acquisition du vocabulaire chez les enfants sourds marque un retard considérable si on le compare à l’acquisition du vocabulaire chez les enfants entendants.

        5. Analyse des productions des élèves du point de vue morphosyntaxique
        D’un point de vue morphosyntaxique, les élèves semblent éprouver beaucoup de difficultés.

        Les modes d’organisation du type d’écrit et de textes choisis ne sont pas respectés. En effet, à un type d’écrit (ou de texte) correspond fréquemment une organisation souvent appelée macrostructure (ou structure) qui lui est propre.

        Pour écrire leur histoire, les élèves ont choisi le type d’écrit narratif mais ils ont eu des difficultés à en respecter l’organisation ; la phase finale des différentes étapes du récit n’apparaissait dans aucun des premiers jets des histoires alors que celle-ci avait été rapportée oralement par les enfants, ceux-ci n’ont pas, en premier lieu, pris conscience du fait que cette fin n’était pas présente dans leur texte. Les événements de l’histoire ont été difficilement rapportés également, peut-être parce que ces histoires sont des histoires connus. En revanche, les élèves ont bien présenté la situation initiale, souvent introduite par l’expression, " il était une fois " . Ces contraintes globales semblent difficiles à respecter pour les élèves. Un temps plus important consacré aux opérations de planification et de façon préalable aurait pu considérablement faciliter la tâche des élèves.

        La cohérence syntaxique est relativement bien assurée, cependant, certaines difficultés peuvent être décelées à travers l’utilisation (ou la non-utilisation) des articles définis. L’élève 1 oublie certains articles définis : "il était une fois jeune fille ", " belle sœur Claire et Sophie ". Les élèves se trompent parfois dans le genre et le nombre des noms ; L’élève 2 ne choisit pas toujours des articles adaptés : " elle mange beaucoup des légumes et le fromage et le fruits ". L’élève 4 en oublie également ou les utilise mal : " france " , " une jardin ", " le petite fille ".

        L’utilisation des pronoms de reprise semble poser problème. Dans le premier jet de Les trois petits cochons, l’élève 3 a des difficultés à parler du loup et des trois petits cochons : au lieu d’écrire " le loup voulait manger les trois petits cochons " ou " le loup voulait les manger ", il écrit " leous qui voules les mange les trois petiti cochons ". Les autres élèves ont cette même difficulté : " le petite fille. elle retrouver l’ogre. ", " Cendrillon elle… ", " le prince il… ", " la fée elle… ", " la belle au bois dormant elle… ".

        L’acquisition des structures grammaticales est pour l’enfant sourd, source de beaucoup de difficultés : tout simplement parce que les références au concret ne peuvent intervenir que pour un petit nombre de notions (le nombre, le temps du verbe, les prépositions marquant une relation spatiale…) et également parce qu’il s’agit de notions beaucoup plus abstraites et générales que celles du vocabulaire (déjà difficile à maîtriser). L’enfant entendant, imprégné par le langage, use des règles grammaticales bien avant d’en prendre conscience ; les difficultés de réception du langage imposent à l’enfant sourd un enseignement méthodique des structures grammaticales beaucoup plus difficile que pour les enfants entendants. Il consiste à dégager le caractère commun (la règle) à partir d’exemples, de contenus différents, mais impliquant une même notion grammaticale, ce qui exige beaucoup d’attention et de concentration de la part des enfants sourds.

        La ponctuation fait souvent défaut ou est mal utilisée ; cela rend certainement compte d’une méconnaissance du sens de la ponctuation. Les élèves oublient souvent les majuscules en début de phrase.

        Les propositions subordonnées relatives ne sont pas toujours bien construites (" sa mère qui " dit " travaille cendrillon lave par terre. "), la construction des phrases simples pose problème à l’élève 4 (" france L’ogre h’ablite en france…L’ogre le petite fille. elle retrouver L’ogre. ").

        Les enfants ne maîtrisent pas toujours la construction de certains verbes, je remarque qu’il s’agit souvent d’oublis de prépositions et de confusions entre les verbes transitifs ou intransitifs : l’élève 1 ne sait pas construire une phrase correcte avec le verbe " se marier " (Cette élève écrit : "le prince il veut meiagier une femme très belle ". Cela ne fait pourtant aucun doute que cette élève a voulu utiliser le verbe " se marier " car elle a utilisé le signe correspondant en L.S.F. pour nous faire comprendre ce qu’elle voulait dire, elle a donc oublié le pronom " se " ainsi que la préposition " avec "), cette même élève ne sait pas utiliser le verbe " partir " avec la préposition " avec " (elle écrit " sa belle-mère est part sa belle-sœur "), l’élève 2 utilise le verbe travailler comme un verbe transitif, à mauvais escient dans ce cas (" elle travaille beaucoup de travail très bien.") ou peut-être a t-elle oublié un verbe ?

        Le système des temps utilisé n’est pas pertinent avec le type de texte choisi : alors que les élèves auraient du utiliser, pour leur texte narratif, l’imparfait, le passé simple et le présent (uniquement pour les dialogues s’il y en a), ils utilisent très souvent le présent, de temps en temps le passé simple, l’imparfait et le passé composé. Les valeurs des temps verbaux ne sont, en général, pas maîtrisées, les temps utilisés sont peu homogènes. Un élève tout de même, l’élève 3 présentant une surdité unilatérale, respecte un système de temps pertinent et homogène.

        Pour ce qui est de l’orthographe , des erreurs se glissent dans les productions des élèves.

        Certaines erreurs sont d’origine lexicale souvent basées sur une mauvaise interprétation des sons ( les élèves écrivent " meiagier " pour " se marier ", " petiti " pour " petits ", " h’ablite " pour " habite "), cette mauvaise interprétation peut parfois provenir de l’existence de sosies labiaux, lorsque la lecture labiale ne permet pas de distinguer des phonèmes différents (ainsi chapeau et chameau sont-ils des sosies labiaux), les erreurs relevées dans ces productions ne sont pas dues à des sosies labiaux.

        Les erreurs sont souvent également dues à une méconnaissance du vocabulaire nécessaire engendrant parfois des confusions telles que celle de l’enfant 4 lorsqu’il écrit " le texte " à la place de " le titre ". Parfois aussi, les erreurs lexicales sont dues au fait qu’à certains phonèmes peuvent correspondre plusieurs graphèmes, les lettres oubliées ou pour lesquelles il y a confusions sont des lettres muettes qui ne s’entendent pas et qui ne peuvent être détectées avec la lecture labiale ( pour cette raison, l’élève 1 écrit " istoire " à la place de " histoire ", " un lou " ou " un lous " à la place de " un loup " …)

        D’autres erreurs proviennent d’une mauvaise connaissance et utilisation des fonctions des mots ( " sa mère qui " dit " travail ", " Cendrille à perdu sa chaussure .", " pitier "…)

        Certaines erreurs sont dues tout simplement à de mauvais accords : il peut y avoir non respect du genre (" sa belle-sœur sont jaloux "…) ou non respect du nombre (" des ménage ", précisons que cette expression " faire des ménages " n’est pas d’un registre de langue très soutenu).

        Des erreurs de conjugaison s’expliquent par de mauvais accords également (" un lou qui vivaient "…) et par une mauvaise connaissance de la conjugaison française (" vien mon petit ", " elle partie ", " sa belle-mère est part ", " elle retrouver l’ogre "…). L’élève 3 qui écrit " il a vais " à la place de " il avait " nous fournit la preuve d’une certaine incompréhension de la grammaire française ou d’une surcharge cognitive très importante ; signalons que cette erreur n’est pas réservée aux enfants sourds !

        Ces opérations de mise en texte sont assez difficiles ; de plus, les problèmes locaux que les élèves rencontrent leur font souvent perdre de vue les contraintes plus globales.

      5. Analyse des opérations de révision
    Une des difficulté très importante des enfants lors de la première situation d’écriture (écrire la fin de l’histoire Le géant de Zéralda) était de commencer à écrire quelque chose de peur que ce ne soit pas exactement ce qui était attendu par l’enseignant ; les élèves avaient peur de se tromper, ils n’osaient rien écrire de peur de devoir se corriger et ainsi, raturer leur production alors qu’ils faisaient attention de bien écrire " proprement ".

    Pour cette raison, les élèves ont pu taper leur texte sur l’ordinateur, ils ont ainsi découvert qu’ils pouvaient se corriger autant qu’il le désiraient, et ce, sans aucune rature conséquente, ils n’avaient donc plus peur de se tromper ; leur premier jet imprimé a ainsi pu être raturé à volonté !

    La première phase d’écriture de l’histoire a été très difficile pour eux. Visiblement, les outils qui ont pourtant été construit avec eux pour les aider à écrire une histoire n’avaient pas encore suffisamment de sens à leurs yeux. Même si les enfants comprenaient l’importance de ce qui était écrit sur ces outils, ils ne comprenaient pas comment cela pouvait les aider à écrire leur histoire . Ces outils ne leur étaient pas suffisamment explicites et accessibles. Les élèves sollicitaient beaucoup d’aide (ils ont reçu des aides ponctuelles au sujet du vocabulaire surtout). Un élève est allé jeter son écrit à la poubelle (alors qu’il s’était beaucoup appliqué); ce geste a été interprété de façon très positive puisque cet élève réinvestissait ses connaissances au sujet de l’acte d’écrire (outil 1 : " pour écrire, je barre les erreurs et je me corrige… "). Un autre élève a barré son écrit…Les périodes d’écriture étaient entrecoupées de beaucoup de moments de découragement. Aucun des élèves n’était réellement fier de sa production écrite, cependant, pour chaque élève, l’histoire était terminée dès le premier jet.

    Cette analyse révèle une certaine surcharge cognitive qui empêche les élèves de se distancier réellement de leur écrit et que le maître doit s’efforcer d’alléger. Certaines difficultés d’enfants sourds ont pu être relevées, la connaissance de celles-ci doit aider les enseignants à mettre en œuvre des procédures de remédiation.

  3. Comment permettre aux élèves d’évoluer dans leurs productions d’écrits ?

  4.  

     

    L’importance de la communication a bien été mise en évidence dans les activités d’écriture ; pour cela, la nécessité d’un langage n’est pas à démontrer or Danielle Bouvet affirme que "pour accéder au langage, tout enfant doit donc être accueilli dans la façon particulière qu’il a de se dire et qui n’a rien à voir avec la langue parlée autour de lui. L’enfant ne s’approprie la parole commune à tous que s’il a été reçu dans sa parole à lui ". L’enfant sourd affronte souvent l’incompréhension, ses premières propositions ne font pas toujours l’objet d’une interprétation…

    1. Développer les compétences linguistiques des élèves

    2.  

       

      Il s’agit d’aider l’enfant à développer les compétences linguistiques à partir desquels il pourra écrire (l’activité d’écriture lui permettra également de développer des compétences linguistiques).

      1. Respecter le projet linguistique de l’enfant

      2.  

         

        Certains enfants sourds (légers, moyens ou sévères) peuvent " entendre " et comprendre des éléments du langage oral (" bribes de phrases ", mots ou syllabes) mais ils ont généralement besoin de compléter cette information lacunaire par la lecture labiale ; les autres enfants sourds (sourds sévères et surtout sourds profonds) ne peuvent tirer l’essentiel de leurs informations que des indices visuels. Ils essayent donc de " lire sur les lèvres " de leur interlocuteur pour comprendre un message, qui, en certains cas, peut être utilement complété par quelques indices auditifs (les prothèses pouvant alors transmettre des informations sur le rythme, la mélodie, l’intonation).

        Cependant, un enfant sourd ne peut jamais tout comprendre de cette façon : les " trous " ou les contresens sont fréquents, l’incompréhension sera d’autant plus importante que l’enfant est jeune et connaît peu la langue française (comme nous le verrons ultérieurement, le langage parlé complété ou L.P.C. peut intervenir à ce niveau comme aide à la lecture labiale).

        Il en résulte que la langue française ne s’acquiert généralement pas de façon naturelle et spontanée chez l’enfant sourd qui devra faire preuve de beaucoup d’efforts pour apprendre et construire cette langue qu’il n’entend pas ou pas bien. Enfin, même dans les meilleures conditions, un jeune enfant sourd ne bénéficie pas du même " bain de langage et de culture " que ses camarades entendants ; il " n’entend " pas sans écouter, sans regarder, sans attention soutenue. Il est donc assez souvent sujet à des " manques " linguistiques (déficit lexical ou syntaxique) ou culturels (méconnaissances en certains domaines) qui rendent encore plus difficile la maîtrise du français écrit.

        Beaucoup d’enfants sourds français ont pour première langue la L.S.F, si ce n’est pas le cas beaucoup communiquent en L.S.F. avec leur entourage lorsqu’ils le peuvent et le désirent si cette langue leur semble plus accessible.

        Le français signé (F.S.), utilisé par beaucoup de personnes de l’entourage de ces enfants sourds, représente une " sorte de mélange " entre la L.S.F. et le français ; Le F.S. essaye de calquer les signes sur le mot français et privilégie donc l’ordre des mots par rapport aux arrangements spatiaux et aux expressions du visage de la L.S.F.. L’utilisation du F.S. amène donc souvent la personne à parler en même temps qu’elle signe (cette communication est appelée bi-modale).

        Il est très important de comprendre en quoi ces constatations peuvent induire certaines difficultés dans l’activité d’écriture des enfants. Pour cela, j’ai jugé intéressant de répertorier quelques caractéristiques particulières de la L.S.F. ; l’annexe 6 rend compte de certains aspects de la construction de la L.S.F..A partir des grandes différences constatées entre le français et la L.S.F., nous pouvons comprendre tout le danger de confusions que représente l’utilisation du F.S. puisqu’ il n’existe pas de correspondance " mot à mot " possible entre la L.S.F. et le français. Le français et la L.S.F. sont deux langues à part entière et il convient de les présenter comme telles. Il ne doit pas demeurer réellement de confusions si l’enfant sourd a face à lui des interlocuteurs qui s’expriment dans une L.S.F. correcte et (ou) un français correct et qui font apparaître une réelle distinction entre la L.S.F. et le français.

        Or si, généralement, l’entourage de l’enfant sourd s’exprime correctement en français (excluons, pour cette hypothèse le cas des familles ne parlant que peu ou pas du tout le français et le cas des enfants de parents sourds s’exprimant en L.S.F. et non oralisant, ce qui représente une minorité), il n’en est pas souvent de même en L.S.F. (même si l’on considère les enseignants spécialisés) et le nombre insuffisant de professionnels sourds pouvant apporter une L.S.F. correcte aux enfants ne leur permet pas de développer suffisamment leurs compétences langagières dans cette langue. Il me semble qu’il n’y a que très rarement de véritable enseignement de la L.S.F., même pour les enfants dont cette langue est la langue première.

        La difficulté pour ces enfants n’est certainement pas d’apprendre deux langues différentes, la difficulté est pour eux de recevoir toutes les informations qui leur permettent de construire leur langage dans une langue ou dans une autre ; or, si la L.S.F. n’utilise que le canal visuel (et ne leur pose donc normalement pas de problème d’apprentissage, encore faut-il qu’elle soit enseignée ou présente), la langue française utilise surtout le canal auditif, les difficultés de transmission de la langue française occasionnées par la surdité ainsi que ces constatations peuvent générer beaucoup de méconnaissance et de confusions dans et entre les deux langues dans l’esprit de l’enfant. Il peut même arriver que durant son enfance, il ne s’installe pas une réelle communication entre l’enfant sourd et son entourage, ce qui le prive ainsi de la possibilité de découvrir les fonctions premières d’une langue.

        Or, pour que l’enfant apprenne à lire ou à écrire dans une langue, il faut qu’il connaisse dans une large mesure cette langue. Cela signifie que l’enfant doit maîtriser un minimum de lexique, posséder quelques notions de grammaire. Apprendre à lire et à écrire une langue, c’est généralement réinvestir des connaissances de sujet parlant cette langue, pour l’enfant sourd c’est différent puisque celui-ci ne parle pas toujours cette langue.

        Si la L.S.F. est un mode de communication de l’enfant, elle doit donc, ou devrait normalement faire partie des modes de communication retenus pour son projet linguistique, il faut donc que celle-ci, tout comme le français, fasse l’objet d’un enseignement véritable (avec l’apprentissage de sa construction) parce qu’il faut que les enfants comprennent que cette langue se distingue du français de par son lexique et de par sa syntaxe. Ceci doit ainsi aider l’enfant à posséder des bases linguistiques solides (et non erronées) et lui permettre d’acquérir de nouvelles compétences linguistiques en L.S.F. et, " par transposition " (et comparaison), en français.

        Il s’agit, en général, de partir des compétences linguistiques des enfants pour les développer et en acquérir de nouvelles ; la communication est ainsi favorisée et permet aux élèves de s’inscrire véritablement dans des projets qui seront, pour lui, porteurs de sens.

        Selon Christian Cuxac, l’éducation oraliste place l’enfant sourd, dès le début de l’apprentissage d’une langue orale et dans l’accès concomitant à l’écrit, face à des activités langagières qui, normalement, apparaissent plus tardivement chez l’enfant entendant : " cet enfant qui n’entend pas, qui ne sait pas à quoi peut servir de parler, et dont, à plus forte raison, l’expression de l’imaginaire ne passe pas par l’oral, est amené, dès son plus jeune âge à développer des activités métalinguistiques sur des usages qu’il n’a pas encore maîtrisés, qui ne renvoient perceptiblement à aucune forme signifiante, et dont il n’a pas la moindre idée qu’ils puissent être porteurs de sens ".

        La L.S.F. étant plus accessible pour les enfants sourds, celle-ci est souvent présente en tant que langue seconde, naturelle ou première, ces constatations justifient le recours à une communication bilingue. La communication bilingue (ou bilinguisme) se caractérise par l’apprentissage et l’utilisation de la L.S.F. en association à celui du français. Ainsi l’enfant sourd peut-il, à travers la L.S.F. travailler sur le sens puis, par une sensibilisation au français écrit, accéder à un comportement de lecteur-scripteur producteur de sens ; les opérations de planification peuvent donc être facilitées. Ensuite, une étape plus réflexive permet à l’enfant sourd de comprendre comment se construisent ces deux langues à travers leurs apprentissages simultanés ; ce qui permet à l’élève de comprendre comment opérer la mise en texte. Il s’agit de créer " des passerelles " entre la L.S.F. et le français sans pour autant induire des confusions entre ces deux langues.

        Selon Danielle Bouvet, grâce à la L.S.F., les enfants peuvent s’approprier la langue vocale dont ils comprennent l’usage car ils manient une langue qu’ils appréhendent totalement.

        Christian Cuxac propose, afin de sensibiliser les enfants sourds aux fonctions et aux opérations que l’écrit rend possibles d’effectuer une activité préparatoire sur et à partir de la L.S.F. en utilisant la vidéo. En effet, la vidéo permet d’archiver, de revenir en arrière, effacer, corriger, remplacer quelque chose par autre chose…A travers cette approche, l’enfant sourd prend du recul par rapport à sa propre langue. Les nombreuses manipulations que permet la vidéo, comme le permet en quelque sorte l’écrit, peuvent permettre aux enfants sourds de mieux comprendre " le monde de l’écrit ".

        Mes observations de classe ainsi que mon expérience m’amènent à penser que le recours au L.P.C. peut également aider les élèves dans leur construction de la langue française.

      3. L’intérêt du Langage Parlé Complété (L.P.C)
      Il est évident que, en raison de leur handicap sensoriel, les enfants sourds ont accès à la phonologie de la langue orale par le biais d’une expérience linguistique très différente de celle de l’enfant entendant ; en effet, à partir d’un certain degré de surdité, les informations auditives dont dispose une personne sourde sont d’une qualité insuffisante pour lui permettre une réception satisfaisante de la langue vocale, et donc la compréhension de ce qui est dit. Le recours à la lecture labiale est alors indispensable. Or, celle-ci ne fournit que des informations incomplètes et ambiguës du fait de l’existence de " sosies labiaux " (sons identiques ou proches dans leur articulation labiale ; par exemple, les mots " pain/main/bain ") et de sons invisibles sur les lèvres (par exemple, le " r " ou le " k ") ; c’est pourquoi, la lecture labiale est un exercice très fatiguant et imprécis.

      Le L.P.C. est une aide à la lecture labiale qui doit permettre de développer des représentations phonologiques et ainsi d’établir des correspondances phonèmes-graphèmes.

      La technique du L.P.C. consiste à donner, par un geste de la main effectué en parfaite synchronisation avec la parole, une information qui complète celle donnée par le mouvement des lèvres. Le L.P.C. représente donc une aide à la lecture labiale.

      Si l’utilisation du L.P.C. n’entraîne pas, seule, la compréhension, elle semble se révéler efficace en ce qui concerne l’acquisition par l’enfant sourd des structures de la langue. En effet, le codage de toute la chaîne parlée donne à l’enfant sourd une représentation visuelle des caractéristiques phonologiques, grammaticales et syntaxiques de la langue, ce qui lui permet de faire des hypothèses sur le fonctionnement de la langue. Ainsi les opérations de mise en texte et de révision, opérations difficiles pour les enfants sourds, sont-elles facilitées.

      Malgré les moyens apportés à la mise en œuvre d’une communication efficace et constructive avec et entre les enfants sourds, il ne faut pas oublier à quel point la concentration et l’attention exigées de la part des enfants sourds en situation de communication est importante ; l’enseignant ne doit pas oublier ce constat dans la mise en place de ses activités de classe.

    3. Multiplier les situations de lecture et d’écriture

    4.  

       

      Mon expérience d’une année d’enseignement auprès d’enfants sourds m’amène à témoigner de l’importance à accorder aux diverses situations de découverte d’écrits ; au cours de cette année d’enseignement, chaque semaine, les enfants ont pu découvrir avec beaucoup de plaisir et d’intérêt des histoires racontées en L.S.F. par le professionnel sourd ; ces histoires provenaient d’albums lus par ce professionnel ; ces albums étaient mis à la disposition des élèves, ces derniers les consultaient ensuite avec beaucoup de plaisir et y faisaient appel lors des activités de productions d’écrits mises en place (pour rechercher un mot, le genre d’un mot, une expression, des événements de l’histoire…). Les élèves procédaient de même pour beaucoup d’autres écrits découverts en classe.

      Il ne faut donc pas oublier de privilégier une interaction très forte entre l’écriture et la lecture, cette interaction entretient la recherche du sens de l’écrit, il s’agit de développer la curiosité des enfants face à la langue écrite : " les enfants font de la sorte l’expérience que l’on ne peut rien inventer de soi-même dans la façon d’écrire les mots et que produire de l’écrit demande un apprentissage. C’est par leur activité d’observation et de recherche sur un corpus de langue écrite qui leur est familier que les enfants font cet apprentissage et s’approprient la langue française écrite dans ses dimensions syntaxiques et orthographiques ".

      Par ailleurs, pour leur permettre de mieux comprendre le sens de l’écrit et leur donner envie d’écrire, les enfants doivent être mis en situation de produire et d’utiliser de l’écrit pour des besoins très précis et avec des effets perceptibles, il faut donc les placer en situation d’avoir besoin ou envie de communiquer avec des personnes absentes, ou bien d’avoir besoin ou envie d’écrire et de garder trace, pour soi ou pour autrui, d’une information, d’un jeu de mots, d’une histoire, d’un poème…pour pouvoir les relire à volonté. Les projets d’écriture des enfants doivent être des projets porteurs de sens, projets qui doivent être légitimés en donnant à l’écrit ses fonctions véritables.

      L’enseignant ne doit pas oublier son rôle de " modèle " d’adulte producteur d’écrits, il ne doit donc pas hésiter à écrire en présence de ses élèves, tout en explicitant de temps en temps la fonction de ses écrits, même si ceux-ci ne sont pas destinés à ses élèves.

      Maîtriser l’écrit, c’est d’abord maîtriser les fonctions, les buts et les enjeux, en même temps ou avant même son fonctionnement et il ne suffit pas, pour des enfants, d’un simple discours sur les fonctions de l’écrit pour que ceux-ci les assimilent ; c’est d’abord la pratique de l’écrit qui devra être expérimentée.

      Des projets porteurs de sens pour les élèves doivent aider les élèves à s’interroger sur l’efficacité de leurs écrits, les élèves apprennent à prendre du recul par rapport à leurs productions car ils savent pourquoi et pour qui ils écrivent.

      L’écrit produit remplit t-il bien sa fonction ? Quels sont les critères de réussite ? Ces critères doivent être connus des élèves afin de leur permettre de s’évaluer et de construire leur projet d’apprentissage.

    5. Construire, avec les élèves, un projet d’apprentissage

    6.  

       

      L’activité d’écriture est une tâche complexe et beaucoup d’enfants se découragent face aux difficultés qu’ils rencontrent, il est donc indispensable que ceux-ci soient encouragés et valorisés dans leurs efforts; les élèves doivent également se sentir compris dans leurs erreurs de façon à ce que celles-ci soient acceptées par ces élèves comme des erreurs " intelligentes " parce qu’elles permettent de déceler de mauvaises stratégies et constructives parce qu’elles permettent de révéler où se situent les besoins ; pour cela, il faut que l’enseignant comprenne les erreurs de ses élèves et ne rejette pas tous les écrits des enfants, tout simplement parce que ceux-ci lui sont incompréhensibles. De même que le jeune enfant apprend à parler parce qu’il sent que son entourage le comprend lorsqu’il s’exprime (même si les propos du jeune enfant semblent souvent incompréhensibles), le jeune sourd doit se sentir quelque peu compris à travers ses écrits pour avoir envie de progresser dans la maîtrise de ce langage. L’enseignant doit être très patient pour laisser à ses élèves le temps de comprendre leurs erreurs.

      Claudine Garcia-Debanc insiste sur " le caractère particulier du cheminement de chaque sujet dans la construction de la compétence rédactionnelle ". En effet, l’enseignant programme les activités mais c’est chaque élève qui se forge sa méthode, s’approprie les matériaux linguistiques qui lui sont nécessaires, en fonction des problèmes d’écriture qu’il rencontre et résout avec l’aide de l’enseignant et de ses pairs.

      L’enseignant représente le médiateur des élèves au savoir ; son rôle est donc, avant tout, de chercher à comprendre le fonctionnement cognitif de chaque élève face à la tâche proposée.

      Une évaluation diagnostique doit permettre de mettre en place avec les élèves des projets individualisés adaptés aux besoins de chaque élève, c’est-à-dire qui tiennent compte des compétences de chaque élève.

      Les outils construits par les élèves sont conçus pour " aider chaque élève à situer lui-même ses zones de réussite et de difficulté, à formaliser sa méthode de travail pour la faire évoluer, à dessiner son itinéraire d’apprentissage en fonction des besoins constatés ". Ainsi, l’évaluation formative et la différenciation pédagogique permettent-elles à l’élève de construire un véritable projet d’apprentissage. Les élèves doivent comprendre que leurs acquis sont transposables, qu’ils pourront réinvestir leurs connaissances.

      Comme nous l’avons vu précédemment, pour écrire, l’enfant doit garder en mémoire ses idées, les relier d’une manière logique et adaptée, respecter le code orthographique ou syntaxique…Nous avons pu constater comme ces opérations pouvaient être difficiles à gérer pour les enfants sourds ; en effet, ceux-ci se trouvent souvent en état de surcharge cognitive face à ces tâches d’écriture. Les aides à apporter à ces élèves peuvent donc être de tenter d’alléger cette surcharge cognitive en intervenant sur l’une ou l’autre de ces opérations : il s’agit d’alléger la tâche tout en laissant à l’enfant le soin de l’affronter dans son intégralité.

    7. Aider les élèves dans la gestion de la charge cognitive
      1. L’importance des opérations de planification

      2.  

         

        Il faut rendre compte de la prépondérance du temps des élèves consacré aux opérations de mise en texte, ces opérations sont également souvent privilégiées par les enseignants or il ne faut pas oublier l’importance des opérations de planification, souvent négligée. Cette remarque doit inciter les enseignants à mettre en œuvre des activités privilégiant les opérations de planification .

        C’est la connaissance des différents écrits, de leurs enjeux, la représentation de l’écrit qu’ils doivent produire, de son enjeu, du destinataire de cet écrit qui permettent aux élèves d’écrire de façon efficace. L’enseignant doit donc favoriser le plus possible les échanges entre les élèves tendant à définir l’enjeu et les caractéristiques de l’écrit à produire. Le rôle d’étayage de l’enseignant est, à cet effet, essentiel, c’est par son discours et les activités qu’il met en place que celui-ci guide ses élèves et les aide à résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés. La nécessité d’une décentration de la part des élèves est clairement apparue lorsque ceux-ci ont lu aux élèves de leur classe les différentes fins d’histoire qu’ils avaient écrites ; de même, la lecture des premiers jets des histoires de chaque élève à sa classe a mis en évidence la nécessité de rédiger clairement et de façon cohérente toutes les étapes de l’histoire, les élèves ont alors ajouté à leur outil n°3 " je trouve ce qui se passe entre le début et la fin " et " j’explique bien tout ce qui se passe " (cf. annexe 3). Après ces constatations, les élèves ont, de façon consciente, recherché quel était le début de leur histoire, quels étaient les événements de leur histoire et quelle était leur fin, ils ont pour cela procédé à des découpages de leur texte et découvert à quel niveau leur histoire était incomplète, cette étape était très importante et ne devait pas être négligée.

      3. Le recours au travail de groupe

      4.  

         

        Le groupe peut favoriser l’analyse de la tâche d’écriture à réaliser, diversifier les productions, favoriser une distanciation critique par rapport à l’écrit produit, empêcher le découragement. Il peut parfois être judicieux de favoriser le travail de groupe afin de permettre aux élèves d’alléger la surcharge cognitive en répartissant entre plusieurs élèves les opérations multiples intervenant dans la production d’un texte.

        Ceci peut permettre aux élèves de bien considérer toutes les opérations intellectuelles qui interviennent dans la production d’écrit (sans, bien sûr, en fixer un ordre bien établi), cependant il faut bien prendre garde de ne pas " atomiser " la compétence rédactionnelle en une somme de sous-compétences qui s’ajoutent ; cela amènerait les élèves à accumuler des matériaux linguistiques, mots ou structures syntaxiques qu’ils ne combineraient qu’ultérieurement pour construire des textes. Beaucoup de manuels scolaires semblent tendre vers cette conception de l’apprentissage de l’écriture (il en est de même pour celui de la lecture) avec une progression qui s’organise du simple (écrire une phrase) vers le plus complexe (écrire un texte). La planification du texte, le respect des enjeux communicationnels, l’exercice de l’imaginaire doivent garder leur place.

        Le travail de groupe ne peut être qu’une des alternatives des différentes situations de travail proposées aux élèves, les temps de travail individuel doivent bien sûr garder toute leur place, les élèves apprennent ainsi à gérer les différentes opérations intervenant dans la production d’un écrit et cela tend à développer leur autonomie.

      5. Rendre les élèves autonomes face à une situation d’écriture
Puisque la finalité de l’apprentissage de l’écriture est bien le transfert à des situations de production de textes inédites, il est très important de diversifier les situations de production de texte de façon à rendre les élèves autonomes et capables d’analyser seuls les contraintes de la situation de communication d’un type d’écrit , il convient de soumettre aux élèves des situations-problèmes et de leur permettre de s’interroger face à celles-ci et non de leur fournir systématiquement " l’outil sur mesure " adapté à telle situation de production de texte, ce qui reviendrait à les rendre très dépendants et à les noyer sous une multitude d’outils dont ils ne comprendraient pas réellement le sens. Les outils ne sont pertinents que s’ils ont du sens pour les élèves ; pour cela, il faut qu’ils soient construits par les élèves (avec l’aide du maître, bien sûr, si cela s’avère nécessaire) et qu’ils répondent à un véritable besoin et une attente des élèves. Cela pose le problème de la place réservée aux outils.

Les outils ne doivent normalement pas intervenir en préalable à l’écriture mais bien comme aide à la régulation après l’écriture d’un premier jet ou, au moins, d’une réflexion première ne trouvant pas de solution.

Les outils peuvent aider les élèves dans les opérations de planification (aide dans le choix du type d’écrit ou de texte, aide dans le recensement et l’agencement des idées…), dans les opérations de mise en texte (aide dans l’organisation d’un type d’écrit particulier, aide dans la construction de la syntaxe, dans le choix du lexique, aide en orthographe…), dans les opérations de révision (apport de l’outil informatique, utilisation du dictionnaire, d’imagiers divers…).

Ces outils peuvent se concrétiser par l’élaboration d’une liste de critères correspondant aux spécificités d’un type d’écrit particulier, une liste de termes relatifs à un thème particulier d’un écrit, des rappels de conjugaison, des " fiches " rappelant certaines règles d’accord ou spécifiant le genre de certains noms…Les outils doivent aider les élèves dans les opérations qui sont difficiles pour eux et qui gênent la bonne mise en œuvre des autres opérations. L’enseignant doit à tout prix pouvoir accepter que les outils réalisés par ses élèves soient parfois incomplets, en effet, la construction de ces outils est évolutive.

Les outils ne doivent donc pas constituer une norme, " l’écriture est d’abord production toujours nouvelle par variations sur des contraintes ".

Puisque les élèves sont différents, ils ne ressentent pas toujours les même besoins ; ainsi, les outils doivent-ils aider à organiser la différenciation, les outils sont utiles pour certains élèves et ne le sont pas (ou plus) pour d’autres. La finalité des différents outils est de permettre aux élèves d’apprendre à écrire, l’objectif étant, bien sûr, d’arriver à ne plus avoir besoin de ces outils. Les outils constituent donc un élément essentiel d’un dispositif d’évaluation formative.

Une aide qui doit être privilégiée par les élèves est le recours à des écrits déjà existants, écrits qui seront diversifiés autant que possible, c’est cette diversité des écrits qui doit amener les élèves à prendre conscience des traits communs et des variations entre les écrits (de types différents ou non) ; à partir de ces traits communs et de ces variations, les élèves pourront créer des outils si nécessaire. Ainsi ces constatations doivent-elles aider les élèves à ne pas rester figés dans un " modèle d’écriture ".
 
 




Conclusion

L’importance d’une réelle maîtrise des activités d’écriture a été démontrée à travers la recherche de la finalité de l’écrit ; cette importance vaut pour tous mais elle s’affirme encore davantage pour les personnes sourdes. Ainsi, une des missions primordiales de tout enseignant, mais encore davantage de tout enseignant spécialisé auprès d’enfants sourds, est-elle donc de permettre aux élèves sourds de devenir autonomes face à des tâches d’écriture.

La réflexion menée en ce qui concerne l’activité d’écriture a mis en évidence sa complexité ; celle-ci engendre des difficultés dans l’activité d’écriture des enfants sourds. Il faut signaler que ces difficultés ne sont pas identiques pour tous les enfants sourds. Il s’agit donc, pour l’enseignant spécialisé, de déceler à travers les activités pédagogiques qu’il met en place, quelles sont les difficultés de ses élèves et, ainsi, de déterminer quels sont leurs besoins. Les difficultés rencontrées par les élèves légitiment une réflexion autour du sens de l’écrit et sur le fonctionnement de la langue orale et écrite. L’enseignant pourra alors mettre en place des situations visant à développer telle ou telle compétence nécessaire à l’activité d’écriture.

L’enseignant veillera toujours à favoriser, grâce au respect du choix linguistique de ses élèves, une situation de communication propice aux interactions et grâce au sens donné à l’écrit et à une pédagogie d’évaluation formative une participation active, à la recherche de sens et de stratégies efficaces de la part de ses élèves.

Ainsi, l’analyse de la tâche d’écriture, des caractéristiques de l’écrit attendu, le temps d’explicitation des critères de réussite, la réalisation d’outils et leur utilisation sont indispensables pour aider l’élève à construire ses compétences rédactionnelles mais il ne faut pas substituer " le dire " au " faire " : ces analyses et ces outils ne valent d’abord que par ce à quoi ils servent ! Il ne faut pas perdre l’objectif initial qui est de rendre les enfants autonomes dans l’activité d’écriture.

Cette maîtrise de l’acte d’écriture fait partie de la maîtrise de l’écrit (qui comprend donc la lecture), or cette maîtrise de l’écrit passe par la maîtrise de la langue française. L’enseignant doit donc veiller à ce que cette compétence de l’activité rédactionnelle prenne place au sein d’un projet plus général de maîtrise de la langue française, projet construit à partir de et avec l’enfant, en fonction de ses compétences linguistiques.

Bibliographie



 
 
 
 
 
 
 

- Jean-Marie BESSE, Rapport à l’écrit, rapport au savoir : identité et socialisation.

- Christian CUXAC, Accès au français écrit et éducation bilingue de l’enfant sourd.

- Jean-Yves LE CAPITAINE, L’écrit et son apprentissage considérés comme pratiques sociales et culturelles.
 
 
 
 

ANNEXE 3

Questionnaire

Représentations des enfants au sujet de l’écriture et de l’écrit

élève 1 et 2 : surdités moyennes sévères

élève 3 : surdité unilatérale sévère

élève 4 : surdité sévère

1 ) Ca veut dire quoi pour toi " écrire " ?

Elève 1 : " Faire des exercices, des mathématiques, de la conjugaison ".

Elève 2 : " Ecrire dans le cahier de correspondance, écrire une phrase...Ecrire en orthophonie, travailler...Ecrire où tu habites...Ecrire informatique, psychologue ".

Elève 3 : " Ecrire sur une feuille, écrire avec un crayon à papier ".

Elève 4 : " Dessins... Travail...Métier...Ecrire sur une ardoise...Informatique... La classe ".

2) Pourquoi apprends-tu à écrire ?

Elève 1 : " Pour répondre à une question ".

Elève 2 : " Pour savoir des phrases. Apprendre à écrire des livres. Apprendre à écrire des catalogues, les mathématiques, pour les punitions, des affiches ".

Elève 3 : " Lire, lire le cahier de brouillon, de maths... Cahier de devoirs... Pour passer en CE2 ".

Elève 4 : " Lire français, mathématiques... Les histoires...Apprendre petit cahier français ".

3) Comment fais-tu pour écrire ?

Elève 1 : " Avec la main gauche...Avec la main droite, c'est plus dur ".

Elève 2 : " J'écris sur le tableau, des panneaux en Canson...Avec la main gauche et droite ".

Elève 3 : " Acheter des stylos, des crayons à papier et acheter des feutres Véléda...Des stylos plume...Et après, il faut apprendre à lire".

Elève 4 : " Stylo, la trousse... Un tableau...La gomme pour effacer le crayon ".

4) Peux-tu me donner des exemples de choses écrites ?

Elève 1 : " Un livre, un catalogue, un poster... Une affiche, les posters de signes ".

Elève 2 : "Une carte...Loi, règlement...Les nombres...Livres...Liste de courses... Sophie... Livres ".

Elève 3 : " Le cahier de mathématiques, le cahier de français, le cahier d'histoire... Le cahier de brouillon, le cahier de liaison, les fiches du classeur ".

Elève 4 :" Le français pour donner à la maîtresse... les mathématiques pour donner au professeur ".

ANNEXE 4

            1. Outils évolutifs réalisés par les élèves à partir de leurs représentations initiales

 
 

Outil n°1 Pour écrire…
 
 

Je peux réfléchir à ce que je veux écrire.

J’écris une première fois.

Je peux trouver des erreurs.

Je barre les erreurs et je me corrige.

Je peux réécrire mon texte.

Je peux taper mon texte à l’ordinateur.
 
 
 
 
 
 
 
 

Outil n°2 Pour écrire la fin d’une histoire…

-il faut garder les personnages de l’histoire.

-il peut y avoir d’autres personnages qui arrivent.

-il faut mettre des majuscules au début des phrases et des points à la fin des phrases.

-il faut bien expliquer la fin de l’histoire.

-il ne faut pas mélanger tout.

-il faut que l’on puisse comprendre.
 
 
 
 
 
 
 
 

Outil n°3 Pour écrire une histoire…
 
 

  1. Je choisis un titre.
  2. Je trouve des personnages.
  3. Je trouve des lieux.
  4. Je trouve un début.
  5. Je trouve une fin.
  6. Je trouve ce qui se passe entre le début et la fin.
  7. J’explique bien tout ce qui se passe. (le 6) et le 7) ont été ajoutés après le premier jet d’écriture de l’histoire puisque les enfants se sont rendu compte qu’il manquait des informations à leurs histoires et que tout n’était pas toujours cohérent.)

 
 
 
 
              1. ANNEXE 6
(document réalisé à partir du tome 1 de La langue des signes de Bill Moody, I.V.T., 1993.)

Construction de la L.S.F.

Cette présentation de la construction de la L.S.F. n’est, bien sûr, pas complète ; elle nous permet de prendre conscience du caractère spécifique de la L.S.F. qui, comme toutes les langues, est structurée par certains éléments de base et certaines règles essentielles qu’il faut connaître pour maîtriser la L.S.F..

Pour chaque langue, il faut obéir à un ensemble de règles appelé grammaire. Pour la L.S.F., la grammaire règle la formation des signes et la construction des phrases gestuelles. Il est intéressant de relever tous les mécanismes corporels qui servent à déterminer le sens du signe et le sens d’une phrase. La L.S.F. utilise des signes composés d’éléments que l’on peut distinguer séparément : la configuration, l’orientation, l’emplacement, le mouvement, l’expression du visage. Le lexique et la syntaxe de la L.S.F. se construisent à partir de ces paramètres.
 
 

  1. Présentation des différents paramètres

  2.  

     
     
     
     
     
     

    La configuration représente " la forme " de la main. Les configurations des mains peuvent apparaître sur une seule main qui bouge, sur les deux mains actives et symétriques ou sur les deux mains dont une agit sur l’autre qui ne bouge pas.
     
     

    L’orientation est le paramètre qui indique comment cette configuration de la main est orientée (paume vers le haut, vers le bas…).

    Cette orientation est essentielle pour différencier certains signes (par exemple lire et dessiner).
     
     

    L’emplacement désigne les endroits où les signes se font. Il y a, sur le corps, une quinzaine d’endroits et, dans l’espace, trois endroits principaux. Un signe peut s’effectuer au niveau d’un endroit, il existe aussi beaucoup de signes qui passent d’un endroit à un autre.
     
     

    Le mouvement correspond en réalité à un ou plusieurs mouvements (mouvements des bras, des poignets, des mains ou des doigts). Ces mouvements peuvent être simples ou complexes. Les mouvements de tête peuvent aussi entrer en jeu (par exemple, les yeux suivent le déplacement d’un personnage).

    A l’intérieur d’un même mouvement, on peut dégager les éléments suivants : le trajet, la direction, la vitesse, la répétition…
     
     

    L’expression du visage est fondamentale dans la construction des phrases. Ce paramètre entre en jeu pour déterminer le sens d’un signe, même hors contexte (c’est l’expression du visage qui différencie " réussir " et " dommage ").

    La connaissance de ces paramètres est essentielle pour reproduire le signe avec précision et fidélité. Les modifications de ces paramètres dans une phrase sont réglées par la syntaxe ; analyser ces modifications permet de déterminer le sens du signe et d’une phrase.
     
     

    Inventaire des modifications des paramètres




    La configuration de la main peut se modifier pour :

    à différentier le déplacement d’une personne, d’un véhicule, d’une foule…

    à montrer la forme, la taille, l’épaisseur d’un objet.

    La L.S.F. utilise des classificateurs ; les classificateurs sont des signes qui décrivent et représentent toute une classe (ou famille) d’objets ayant une forme, une taille ou une épaisseur similaires.

    Ces classificateurs peuvent avoir une fonction descriptive ; par exemple, le classificateur " long et épais " décrit la forme d’un rôti, d’une bûche, d’un serpent (tout ce qui est long et épais).

    Ces classificateurs peuvent également représenter une chose ou une personne en déplacement : la forme de la main représente cette chose ou cette personne et le mouvement montre l’action ; ce peut être " quelque chose de petit, rond et plat que je mange " ou " quelque chose de grand et rectangulaire que je déplace "… Dans ce cas, les classificateurs ont une fonction de remplacement : comme les pronoms, ils remplacent le référent et en plus, ils en montrent également la forme. En L.S.F., la phrase signée correspondant au français " il s’approche de moi " nous indiquera si c’est une personne ou un animal qui s’approche grâce au classificateur utilisé.

    à incorporer le pluriel (par exemple : eux-trois).

    à différencier les types de pronoms (personnel, possessif, réflexif, démonstratif).
     
     

    L’orientation du mouvement peut se modifier pour :

    à incorporer les pronoms personnels dans les verbes directionnels .

    " je te demande… " traduit en L.S.F. n’utilise pas de signe spécifique pour le pronom " te ", c’est l’orientation du signe correspondant au verbe " demander " vers la localisation de l’interlocuteur qui exprime le sens de ce pronom.

    à incorporer l’adverbe de lieu dans certains verbes.

    Les phrases " je vais au cinéma " et " je vais à la maison " se signeront presque de la même façon si le cinéma et la maison ont déjà été localisés auparavant dans le " cadre " de la situation, seule l’orientation du signe correspondant au verbe " aller " changera ; en français, cela se traduira par " j’y vais " ; dans ce cas et dans beaucoup d’autres en L.S.F., le " cadre " de la situation a été " posée ".

    L’emplacement peut se modifier pour :

    à localiser les personnes, les choses et les événements sur " la scène " du signeur.

    Lorsque des personnes, lieux ou choses absentes (correspondant à des noms en français) ont été localisés sur " la scène " du signeur, celui-ci utilise ces localisations pour parler de ce qu’il a situé à ces endroits précis (en français, on utilise des pronoms afin d’éviter de répéter ces noms).

    à montrer les relations spatiales entre les personnes et les choses.

    à incorporer une partie du corps dans le verbe (par exemple : laver la figure).

    à faire une combinaison plus fluide dans un signe composé (par exemple :après-midi).

    L’espace sert aussi à exprimer le temps de la phrase. La L.S.F. a déterminé une " ligne de temps " à hauteur de l’épaule sur laquelle se situent les signes qui indiquent le temps : le présent se " situe " juste devant le corps, le passé, vers l’arrière, par dessus l’épaule et le futur, vers l’avant, devant l’épaule.

    Analysons, par exemple, comment la L.S.F. place des évènements dans le temps : alors que la langue française utilise la conjugaison, la L.S.F. utilise une ligne de temps ainsi que d’autres signes qui indiquent à quels moments se situent ces événements. Il y a toute une classe de signe de temps qui indiquent le temps de la phrase à eux seuls ; dans les phrases " lundi prochain, je pars en vacances " et " lundi dernier, je suis partie en vacances ", le verbe " partir " se signera de la même façon sans distinction de temps, seul le signe de temps correspondant à " lundi prochain " ou " lundi dernier " variera.
     
     

    Le mouvement peut se modifier pour :

    à incorporer la négation.

    à indiquer la répétition dans le temps.

    à indiquer une durée longue ou courte.

    à indiquer la manière dont l’action se déroule(" une personne passe " se différencie de " une personne passe vite ").

    à indiquer la manière dont les choses sont disposées (mouvement répété sur une ligne ou mouvement alternatif).

    à faire le pluriel de certains noms (mouvement répété).

    à faire un signe composé (mouvement réduit).

    à intensifier un signe (" jamais " se différencie de " absolument jamais ") .

    à différencier certaines paires " nom-verbe " (par exemple " boisson " et " boire ").
     
     

    L’expression du visage peut se modifier pour :

    à indiquer quel est le type de la phrase (phrase interrogative, phrase conditionnelle, phrase impérative, question rhétorique, phrase emphatique…).

    à intensifier un signe (avoir faim, avoir très faim…).

    à changer le sens d’un signe (le signe correspondant à " il fait froid ! " et celui correspondant à " l’hiver " se différencient par l’expression du visage).

    Il y a également une foule de petites expressions de la bouche, des joues et des yeux qui contiennent également des informations (la langue tirée signifie une maladresse, un dysfonctionnement ou un manque d’attention, un petit " o " sur les lèvres avec une expiration douce peut signifier " au point " ou " très " selon le contexte, les yeux presque fermés indiquent l’obscurité ou une grande distance…).
     
     

    Des mouvements de tête servent à :

    à indiquer le type de phrase (phrase négative, phrase assertive…).

    à changer de rôle (de personnage) lorsque l’on joue un dialogue, en tournant la tête.

    à fixer la localisation d’une personne, chose ou événement par le regard.
     
     

    Il faut préciser que la L.S.F. n’utilise pas la notion de genre.
     
     






    ANNEXE 2

        1. Références aux textes officiels
(Les mots ou groupes de mots soulignés ne le sont pas dans les textes officiels,

ils ont été soulignés pour faciliter la lecture de ce document et insister sur certains points essentiels.)

Extraits de Programmes de l’école primaire (noté I.O. : Instructions Officielles)

et La maîtrise de la langue à l’école (notée M.L.).

- Le cycle des apprentissages premiers (cycle I) :

"Apprendre à parler et à construire son langage, s’initier au monde de l’écrit " (I.O. p23)

"Il faut distinguer, à l’école maternelle, deux types d’activités mettant en jeu le langage. Les premières relèvent des multiples situations au cours desquelles l’enfant peut rendre compte de ses premières expériences et apprendre ainsi véritablement à parler…Un second type d’activités contribue à l’apprentissage du langage à l’école maternelle…[Les activités mises en place]  permettent d’amener l’enfant à prendre progressivement conscience du sens du langage, à mieux le maîtriser, et à le confronter au code écrit pour apprendre à lire et écrire…C’est l’occasion pour l’enfant, de se doter d’instruments efficaces lui offrant la possibilité de travailler sur son langage, d’en mieux comprendre le fonctionnement et de se préparer à l’articuler avec celui de la langue écrite " (I.O. p23)

" Apprendre à parler et à communiquer…Apprendre à parler, c’est tout à la fois apprendre à échanger avec son entourage et à développer les différentes fonctions du langage…C’est aussi apprendre à s’intéresser au langage…Tous les échanges verbaux sont, pour l’enfant, l’occasion de progresser dans la maîtrise des contraintes qui régissent ces usages du langage ; ils sont aussi le moyen d’acquérir les structures et les fonctionnement du français. Le rôle de l’adulte est, dans ce domaine déterminant…Il est difficile, pour un enfant qui n’est pas à l’aise dans sa pratique du langage, d’apprendre à lire et à écrire " (M.L. p20-21).

"S’initier au monde de l’écrit…Le milieu familial joue un rôle prépondérant dans la sensibilisation des enfants à la langue écrite. C’est à l’école maternelle d’aider à construire ce qui n’a pu l’être dans la famille ou, lorsque cela a été fait, d’en prolonger l’acquisition " (M.L. p26).

" S’initier à produire (oralement) des textes… Pour que l’enfant puisse se doter de la langue écrite, on ne peut se contenter de l’imprégnation produite par la rencontre fréquente de textes lus et de livres feuilletés avec un adulte. Il importe que l’élève puisse se livrer précocement à une activité dans laquelle il prend conscience qu’il sait non seulement comprendre les textes qui lui sont lus mais qu’il peut aussi, sinon produire un texte, du moins participer à la production collective de celui-ci. L’adulte est, dans la classe, le lecteur par procuration des enfants. Il doit aussi être leur écrivain…Si chaque enfant a en mémoire des textes de référence dont la structure, la syntaxe, le lexique relèvent de l’écrit, les apprentissages des cycles II et III (quand il s’agira de lire et aussi de produire des textes) en seront rendus plus aisés. " (M.L. p29-31).

- Le cycle des apprentissages fondamentaux (cycle II).

" L’apprentissage de la langue s’inscrit en priorité dans une interaction constante entre parler, écouter, lire et écrire. Le maître crée les situations nécessaires à la prise de parole de l’élève et à l’écoute des autres, à l’exercice raisonné de l’oral comme de l’écrit. Progressivement, l’enfant entrera ainsi de plain-pied dans les deux systèmes, comprendra les règles qui s’imposent à la langue orale et à la langue écrite, s’appropriera leurs codes respectifs " (I.O. p43).

" Continuer d’apprendre à parler : du langage de l’oral au langage de l’écrit…Tout au long du cycle II, le développement des compétences de communication et d’expression orales reste un objectif prioritaire…Par ailleurs, chaque enfant doit se doter d’une langue française plus riche et plus finement structurée, tant sur le plan de la morphosyntaxe que sur celui du vocabulaire…C’est au cycle II que chaque enfant apprend à mieux régler ses prises de parole en fonction du contexte où elles se produisent…Par ailleurs, au cycle II, se poursuit l’initiation au langage de l’écrit commencée au cycle I, mais de façon beaucoup plus intensive. Compte tenu des capacités de lecture et d’écriture de cet âge, il est souvent nécessaire d’emprunter prioritairement le canal de la communication orale (lectures par l’enseignant ou avec une forte participation de l’enseignant, production de textes utilisant l’adulte comme guide et scribe). Enfin, en même temps qu’il apprend à lire et à écrire de manière autonome des textes à sa portée, chaque enfant continue à enrichir sa culture de l’écrit avec des lectures plus longues et plus complexes qu’au cycle I. Il peut ainsi découvrir les structures et les fonctionnement spécifiques de textes de types différents…ainsi que les structures et le fonctionnement du français écrit qui y correspondent…La mémorisation de ces textes est un moyen important pour aider les enfants à s’en approprier les régularités et les spécificités " (M.L. p34-37)

" Un enfant qui a des difficultés à faire part à un tiers d’un événement que celui-ci n’a pas vécu risque d’avoir de sérieuses difficultés dans le développement de ses capacités de production écrite " (M.L. p39).

" Découvrir la structure et le fonctionnement de la langue…En jouant avec les sons, les enfants découvrent qu’au-delà des assonances avec lesquelles ils se sont familiarisés en apprenant des comptines, il existe entre certains mots des similitudes phonologiques. Ils peuvent alors segmenter les énoncés en syllabes orales puis en phonèmes. Ils acquièrent ainsi, de manière progressive, un savoir des différents phonèmes de la langue et deviennent capables de les identifier dans des contextes variés…Tout se passe comme si la correspondance des graphèmes et des phonèmes nécessaires pour maîtriser le code de l’écrit profitait de ces acquis construits préalablement dans la seule manipulation de l’oral…Tout au début du cycle II, l’enseignant devra aider les élèves à observer et à structurer les principes généraux de correspondance entre un message oral et sa transcription écrite…L’apprentissage de la lecture et celui de la production de textes ne peuvent être dissociés de l’ensemble [des] savoirs phonétiques, sémantiques et morphosyntaxique " (M.L. p39-42).

" Apprendre à vivre au milieu des livres et des autres écrits…Au cycle II, comme au cycle I, l’enfant continue de découvrir le monde écrit qui l’entoure " (M.L. p45).

" Apprendre à produire des textes…L’accès à la langue écrite est aujourd’hui, prioritairement, un accès à la production de textes…Au cycle II, en aidant l ‘écolier à produire précocement des textes écrits, on l’amène à éprouver les contraintes de la langue et des formes textuelles, à anticiper la structure d’ensemble du texte qu’il veut produire, à découvrir enfin les difficultés de la mise en mots, ce qu’aucune lecture ne peut laisser supposer…Si, en outre, on n’oublie pas d’inscrire les situations d’écriture proposées aux élèves dans des projets, mêmes modestes, qui dépassent et motivent la simple action de production, on offrira à chaque enfant la possibilité d’éprouver l’adéquation de son travail aux buts qu’il s’était assignés " (M.L. p47).

" L’écriture est une activité complexe qui implique un long apprentissage de la mise en ordre des idées, une sensibilisation souvent réactivée aux contraintes des types de textes utilisés, à l’adéquation entre la réalisation obtenue et les effets que l’on souhaite produire en la communiquant à un lecteur " (M.L. p51).

" Produire des textes avec l’aide de l’adulte…La dictée à l’adulte, est un excellent moyen de faire produire des textes à des enfants qui ne savent pas encore écrire seuls, ou, plus tard, dont l’écriture est si lente et si laborieuse que leur attention n’est pas disponible pour l’activité de production proprement dite. Pour sérier les difficultés, on peut mettre l’accent sur l’adaptation du texte à son usage, sur sa structure générale et sur sa cohérence. On peut, au contraire, au cours d’autres séances de travail, s’attacher au détail de la mise en mots, à la cohésion de la phrase ou à celle des enchaînementsune attention particulière devra être portée au projet d’écriture, à sa planification " (M.L. p47-49).

" L’accumulation des productions écrites de la classe, la fréquentation assidue de textes appartenant au même genre ou à des genres voisins permettent de prendre progressivement conscience des similitudes et des différences entre les écrits…[Les enfants] peuvent dès lors s’appuyer sur les contraintes de construction de chacun de ces genres " (M.L.p50).

"La conquête progressive de l’autonomie… Au cours du cycle II, il devient possible d’amener progressivement la majorité des enfants à la production autonome et individuelle de textes écrits, mais avec des exigences moins élevées que dans les textes écrits avec l’aide de l’enseignant…L’enfant écrit en s’appuyant sur ses lectures…L’essentiel reste d’écrire souvent " (M.L. p51-54).

" la grammaire, le vocabulaire, l’orthographe sont des moyens de mieux parler, de mieux lire, de mieux écrire et d’accéder ainsi progressivement à la maîtrise de la langue " (I.O.p47).

" En ce qui concerne l’accès à la culture écrite, le cycle des approfondissements est à la fois un aboutissement et un point de départ. Un aboutissement puisqu’il est le dernier cycle de l’école élémentaire, celui pendant lequel chaque écolier doit parvenir à cette maîtrise instrumentale de l’écrit sans laquelle il ne pourra suivre avec profit les enseignements du collège. Un point de départ puisque ces années permettent aux grands élèves qui y accèdent, grâce au bénéfice des acquis des cycles antérieurs, de " travailler " déjà avec leurs capacités de lecteur et de scripteur et de s’initier de manière plus autonome à la culture qui les environne. Méthodologiquement, le cycle III se différencie du cycle II par la place qu’y prennent  les apprentissages réflexifs. La grammaire, le vocabulaire, l’orthographe, la conjugaison, en devenant plus assurés, permettent un meilleur contrôle des activités de lecture et d’écriture…En matière de production d’écrits, il faut viser d’abord à rendre disponibles et stables les apprentissages du cycle II en accroissant peu à peu les exigences de longueur et de correctionUne liaison étroite doit s’établir entre l’observation du système de la langue et les activités de production et de compréhension des textes. Qu’il s’agisse de l’écrit ou de l’oral, l’attitude réflexive est au service de l’amélioration de l’expression. Quand au contenu de l’enseignement grammatical, il est en relation directe avec les difficultés rencontrées par les élèves dans leur cheminement vers la maîtrise du langage. Il est ainsi possible de distinguer deux grands ensembles de phénomènes qui doivent particulièrement retenir l’attention des maîtres : les faits de langue qui entrent en jeu dans la cohérence et la cohésion du texte et les faits de langues qui donnent à la phrase sa grammaticalité " (M.L.p 72-75).

" Maîtriser le langage et ses usages…Chaque enfant se sera confronté à des points de vue différents des siens, il aura anticipé sur la compréhension de son message par d’autres ; bref il aura appris à se déprendre de son seul jugement. N’est-ce pas la démarche même du lecteur comme celle du producteur de textes ? " (M.L. p 75-77).

" Devenir plus autonome dans la production des textes écrits…" (M.L. p 78).

          1. "Apprendre à organiser un texte…on peut privilégier l’une des deux composantes essentielles de l’activité rédactionnelle : tantôt l’organisation du texte (sa planification), tantôt le travail d’écriture proprement dit (la mise en mots) " (M.L. p83).
"L’interaction entre la lecture et l’écriture, préconisée au cycle des apprentissages fondamentaux, reste essentielle au cycle des approfondissements. Les productions sont de plus en plus conformes aux exigences d’organisation et de présentation…La rédaction de textes dépasse le stade de la simple transcription ou relation pour faire appel aux facultés d’analyse et de jugement qui seront sollicitées au collège…L’élève reprend, corrige, améliore ses productions antérieures avec le soucis de la qualité, de la forme et de l’expression " (I.O. p59).