Travailler
avec des adolescents sourds
en rupture scolaire
 

Sommaire

Introduction

I. Bien connaître leurs difficultés.

1. Etre adolescent n’est pas toujours facile.

1.1. Avant l’adolescence
1.1.1. Le stade du miroir
1.1.2. Le stade de l’œdipe
1.1.3. La phase de latence

1.2. L’adolescence
1.2.1. La puberté
1.2.2. L’adolescence et ses différents aspects
1.2.3. L’adolescence et ses risques d’accidents

1.3. Conclusion

2. Etre sourd est une invariance de toute une vie.

2.1. Le bébé ne sait pas qu’il n’entend pas.
2.2. La surdité ne se voit pas.
2.3. La surdité en tant que différence
2.4. La surdité en tant qu’appartenance
2.5. La communauté sourde
2.6. L’appareillage
2.7. Conclusion

3. Etre en échec scolaire pénalise.

3.1. Leur parcours scolaire
3.2. Leur incompréhension de l’échange langagier
3.3. Leur illettrisme
3.3.1. L’illettrisme est-il une résultante de la surdité ?
3.3.2. Doit-on alors introduire la Langue des Signes dans l’enseignement ?
3.4. Conclusion

II. Comprendre leur refus de travailler.

1.1. De l’effet néfaste des surdéterminations
1.2. De la facilité à se handicaper
1.3. Du rejet de l’enseignante malentendante
1.4. Conclusion

III. Adopter des pédagogies adaptées et intégratrices.

1. La pédagogie institutionnelle

1.1. Un remède au n’importe quoi
1.2. Une mise en place d’invariants
1.3. Un groupe politique, des individus démocrates
1.4. Conclusion

2. La pédagogie de projets

2.1. Le projet : une intention réfléchie qui s’inscrit dans le temps et dans l’action.
2.2. Notre premier projet
2.3. Nos autres projets
2.4. Conclusion

Conclusion générale

Bibliographie
 
 

Introduction

Enseignant depuis un an avec des élèves sourds du cycle II, c’est plus confiante que j’acceptais l’année suivante d’exercer au collège avec des adolescents de seize, dix-sept ans car j’avais développé des aptitudes de communication avec les personnes sourdes. Au cours de la semaine supplémentaire qui s’effectue habituellement début juillet, je pus visiter le collège, découvrir la classe, discuter avec l’équipe intervenante et m’entretenir avec le professeur pour sourds qui avait suivi toute l’année mes neuf futurs élèves. Il me fut fait une présentation individuelle de chacun d’eux : photo, nom, degré de surdité, mode de communication, niveau scolaire, prise en charge orthophonique… A la fin de la semaine, j’avais une représentation globale de ce qu’allait être mon travail : je savais quelles matières j’enseignerais. On me prévint également que tous ensemble, ils formaient une classe difficile.

De difficile, la classe devint très rapidement impossible. Je basculais dans le sentiment d’impuissance et de culpabilité. Je passais alors beaucoup de temps à réfléchir et à préparer des cours qui me paraissaient, à chaque fois, être porteurs de mon savoir-faire mais je n’observais de jour en jour que l’incapacité d’exercer mon métier. Ils m’avaient regardée au début (moyen indispensable quand on est sourd pour établir une communication et pouvoir comprendre ce qui se passe) puis plusieurs avaient détourné le regard pour ensuite refuser de le porter sur moi. Une glace sans tain s’était élevée entre eux et moi car pour finir, ils ne me voyaient même plus…

Mais les avais-je bien appréhendés moi-même au début ? Que savais-je réellement de leurs difficultés ? N’avais-je pas réitéré une démarche qui ne leur convenait plus ?

C’est pourquoi j’ai décidé, dans ce mémoire, de rechercher quelles pouvaient être les difficultés liées au fait que mes élèves étaient adolescents, sourds sévères ou profonds et en échec scolaire, puis de réfléchir, en tant qu’enseignante confrontée à ces difficultés, pour mieux comprendre ce qui finalement avait provoqué cette impossibilité à travailler de part et d’autre. J’exposerai ensuite comment à partir de dispositifs instituants, a pu se développer en classe une pédagogie de projets permettant à ces jeunes adolescents sourds de se remettre au travail, de s’organiser, de s’entraider, d’avoir un autre regard sur eux-mêmes et les autres et à l’enseignante que je suis d’avoir envie de renouveler et d’améliorer l’an prochain cette façon de travailler avec d’autres élèves présentant certaines mêmes difficultés.

I. Bien connaître leurs difficultés.
 
 

1. Etre adolescent n’est pas toujours facile.

La crise d’adolescence est un passage obligé, souvent difficile et parfois douloureux. L’être humain ne se développe pas en continuité mais traverse des passages qui peuvent être l’occasion de crises.

Je vais donc expliciter certaines étapes nécessaires au bon développement affectif de la personne, étapes qu’il faut connaître pour pouvoir comprendre ensuite celle de la crise d’adolescence.

1.1. Avant l’adolescence

1.1.1. Le stade du miroir

Il se passe vers l’âge de six mois : avant cet âge, le bébé n’a pas la conscience d’être une personne différenciée. A cet âge, on peut dire que l’enfant existe au gré de situations séparées jusqu’à cette fameuse première crise qui s’appelle le stade du miroir : c’est le moment où dans un miroir, l’enfant découvre sa propre image et comprend que le bébé qu’il y voit, c’est lui-même. C’est une révolution extraordinaire : on parle de la jubilation du stade du miroir. A partir de ce stade, il se reconnaîtra jusqu’à la fin de ses jours. Il découvre alors une représentation de l’unité de son corps et c’est en la découvrant qu’il conforte son identité, qu’il découvre une image unifiée de sa personne. A partir du moment où l’enfant commence à avoir une identité, il se sépare de sa mère. L’enfant jusqu’à trois ans n’a plus qu’à prendre possession de son corps, à l’utiliser pour y être bien. Charles Darwin (naturaliste anglais,1809-1882) et Henri Wallon (psychologue et homme politique français,1879-1962) avaient déjà signalé ce comportement du sujet humain devant le miroir, mais Jacques Lacan (psychanalyste français,1901-1981) en fait un moment fondateur de l’identité.

1.1.2. Le stade de l’œdipe

A partir de l’âge de trois ans environ, il va avoir à faire un deuxième passage. L’enfant, ayant découvert qui il est, découvre les relations qu’il a autour de lui, c’est le premier stade de la socialisation. Le stade de l’œdipe se déclenche au moment où il découvre qu’il a non seulement un corps mais aussi que son corps est sexué : c’est à dire qu’il est un garçon ou qu’il est une fille. Il apprendra à reconnaître les gens autour de lui, sa mère qui est une femme, son père qui est un homme. Il apprendra la différence des sexes et il apprendra à se situer : " Moi je suis un garçon, toi tu es une fille. "

Le stade du miroir lui a permis d’accéder à son identité, le stade de l’œdipe lui permet d’accéder aux identifications secondaires. L’identification, c’est se comparer, se différencier : " Je suis comme tel autre, ou plus grand, ou plus petit… ". Entre trois et cinq ans, c’est l’âge où l’enfant commence à aller à l’école : " J’ai un maître, j’ai une maîtresse… ". C’est l’âge où il commence son premier positionnement social.

L’enfant au stade du miroir découvre qui il est et au stade de l’œdipe qui il souhaite devenir au moins dans l’ imaginaire.

Qu’est-ce que cela veut dire l’œdipe ?

On appelle ça l’œdipe en référence à la mythologie grecque. Sigmund Freud (psychiatre autrichien,1856-1939) introduit dans les années 1920 la notion de complexe d’œdipe et son rôle important, à la fois comme explication des phénomènes névrotiques et comme facteur de développement. Dans sa formulation classique, l’œdipe désigne l’attachement amoureux, le désir sexuel, de l’enfant pour le parent de sexe opposé et l’hostilité (désir de tuer) pour le parent de même sexe, considéré comme un rival. Cela signifie qu’au moment où l’enfant découvre qu’il est un petit garçon, il dit : " Je vais me marier avec ma maman puisque la plus jolie femme du monde c’est évidemment ma mère. C’est vrai qu’il y a mon papa mais mon papa est de trop, donc il faut le supprimer. ". Mais dans la réalité, quand on est un petit garçon ou une petite fille de trois ou quatre ans, on ne peut pas se marier et on ne peut pas faire disparaître son père. En fait, au moment de cette crise de l’œdipe, l’enfant accède au domaine symbolique et au domaine imaginaire. L’enfant ne peut évidemment pas, dans la réalité, réaliser le mythe œdipien mais il le réalise symboliquement et à partir de là, il pourra faire tout l’apprentissage de son devenir social, c’est à dire de tous les sentiments d’amour, de haine, de jalousie, de rancœur, etc. …

1.1.3. La phase de latence

A partir de six, sept ans et jusqu’au moment de la puberté, l’enfant entre dans la phase de latence (terme emprunté par Freud à son ami Fliess) : la question de son identité se stabilise, il n’est pas gêné dans son corps, il n’est pas gêné dans ses identifications.

1.2. L’adolescence

1.2.1. La puberté

Au moment de la puberté, l’enfant fait deux crises : une crise d’identité (il ne sait plus qui il est) et une crise d’identification (il ne sait plus qui il aime).

Pourquoi cette crise d’identité ?

Car le corps trahit ; il devient génitalisé et l’adolescent doit comprendre ce nouveau corps. L’adolescent ou l’adolescente, quand il se voit dans son miroir n’a aucun plaisir à se voir, alors que quand il était petit, il en était tout content. Avant l’adolescence, il était sûr de lui-même grâce à son corps. A l’adolescence, il est angoissé par son corps.

Pourquoi cette crise d’identification ?

Car il est obligé de se montrer par rapport à son père et par rapport à sa mère. Il faut qu’il fasse de nouveau son œdipe. Ce qui n’était que symboliquement réalisable (se marier avec sa mère ou tuer son père) au stade initial de l’œdipe, devient au moment de la puberté, effectivement possible. Mais ces actes sont heureusement frappés d’un interdit absolu : ils sont tabous.

Toutes les relations de l’adolescent, non seulement avec son père et sa mère, mais aussi avec les autres hommes ou femmes (enseignants compris) se trouvent modifiées par l’éveil des fonctions génitales. Il est dans cette double crise, il doit réapprendre qui il est dans ce nouveau corps, qui il aime et comment il aime.

C’est la puberté qui biologiquement déclenche le processus de l’adolescence et c’est le statut social qui en détermine la fin. Ce n’est plus tout à fait vrai en ce qui concerne le déclenchement du processus car on remarque qu’il commence de plus en plus tôt, c’est à dire avant la puberté. C’est toujours vrai en ce qui en concerne la fin mais elle est de plus en plus retardée car l’intégration sociale est beaucoup plus tardive. " L’adolescence est un passage fondateur dont il faudra faire le deuil pour vivre psychologiquement et socialement. " Entre ce début " biologique " et cette fin sociale,

tout le déroulement est essentiellement personnel.

1.2.2. L’adolescence et ses différents aspects

Le premier aspect de l’adolescence, c’est l’incertitude : c’est le risque de néantisation qui se traduit tous les jours par ces jeunes qui se disent nuls. En effet la crise de l’adolescence, c’est la fin de ce qu’ils étaient en tant qu’enfants et c’est l’incertitude sur ce qu’ils sont et ce qu’ils vont devenir.

Les jeunes font donc des essais et des erreurs : ils s’essaient dans différentes identités comme une espèce de jeu. Le garçon ou la fille qui s’essaie en petit punk, bon élève, champion de football, se réduit à ce trait, à cet aspect de sa personnalité. Cette réduction à un trait est parfois dangereuse mais elle lui permet de survivre. Nous, enseignants, nous devons donc garder en pensée que ce trait est sa seule manière d’exister, qu’il est une identité d’un moment et qu’il ne sera pas forcément son identité d’une vie.

Ce type de crise n’est pas propre à l’adolescent. L’adulte, tout au long de sa vie, fait également des crises d’incertitude. A chaque fois que survient une crise (divorce, maladie, décès d’un proche, chômage…) l’adulte ne sait plus, lui non plus, qui il est, qui il aime, ni qui l’aime. Il traverse alors un temps de rupture pour accéder ensuite au temps de suture.

Dans la crise d’adolescence, le jeune traverse un temps de réaction qui lui permettra, dans un deuxième temps, d’entrer dans la période de création. Il y a donc tout un enjeu autour de la séparation. Paradoxalement, se positionner contre, c’est prendre appui.

" Création est un anagramme de réaction." De l’adolescent qui commence à faire des fugues, des vols ou n’importe quoi, qui est en réaction contre sa famille, personne ne sait, ne peut prévoir ce qu’il deviendra après. C’est à dire que l’issue, la néo-identité n’est pas prévisible pendant la crise.

Edgar Morin (sociologue français) dit que le cerveau humain est " auto-géno-phéno-éco-réorganisateur ". Cela veut dire que le cerveau humain est organisé de telle manière que s’il est désorganisé par un deuil, une maladie grave ou par une rupture, il est capable de se réorganiser lui-même. Chacun d’entre nous et l’adolescent en particulier a, en lui-même, ce qu’il faut pour réorganiser son identité nouvelle, en fonction de son génotype, c’est à dire en fonction de ses chromosomes dont il a hérité, en fonction du phénotype, c’est à dire de l’éducation qu’il a reçu, et en fonction de l’éco-type, c’est à dire en fonction de l’environnement social dans lequel il se trouve, ce qui donne toute son importance à l’école.

Un autre aspect de l’adolescence que nous devons connaître et que l’adulte comprend souvent mal, c’est ce qu’on appelle le clivage (Melanie Klein,1882-1960, psychanalyste britannique d’origine autrichienne). Le clivage, c’est par exemple ce garçon très gentil, poli, aimable avec sa grand-mère, lui faisant ses courses pour lui rendre service et qui le même jour va faire un vol à l’arraché, sur une vieille dame, quitte à la faire tomber et à la malmener. C’est également un adolescent qui fait exactement le contraire de ce qu’il dit. Le clivage, l’inconséquence, les contradictions internes sont propres à la crise d’adolescence. Chez l’adolescent, le clivage, ce n’est ni de la folie ni de la malhonnêteté mais c’est de l’incertitude sur ce qu’il est. Le clivage signe une construction en chantier et l’enseignant devra s’en rappeler.

Le passage à l’acte est un autre aspect de l’adolescence. L’adolescent, pendant sa crise, est un être irradié à l’intérieur de lui-même par toutes sortes d’angoisse : l’angoisse de castration, de morcellement, d’abandon,… qu’il n’arrive pas à garder à l’intérieur de lui. Il est obligé de l’extérioriser : il n’arrive pas à mentaliser son angoisse ; il passe à l’acte : il fait des bêtises. Si l’adulte empêche le jeune de faire toutes ces bêtises, souvent dangereuses pour sa vie, ou le sanctionne sans dialogue, le risque est qu’il ne lui reste que le suicide ou la fugue. L’adulte est donc dans une alternative difficile : il ne peut pas le laisser faire et s’il l’en empêche, il risque de provoquer l’effet inverse.

1.2.3. L’adolescence et ses risques d’accidents

L’angoisse est parfois si forte, que l’adolescent peut préférer mourir plutôt que de rester dans cette anxiété, cette incertitude. C’est pourquoi les suicides sont si fréquents chez les adolescents.

De temps en temps, quand l’adolescence se termine, certains adolescents restent " démontés " : c’est ce qu’on appelle de la psychose, la schizophrénie : c’est un adulte qui ne s’est pas réorganisé. Il a de l’intelligence, du cœur, des sentiments…mais il n’a pas d’identité, pas d’unité.

Dans un certain nombre de cas, ce sont les adultes qui sont responsables de la surdétermination de l’adolescent. C’est ce qui se passe quand le jeune adolescent s’essayant de différentes manières, va faire une bêtise et que les parents par leur jugement risquent de le coincer, le bloquer dans une identité d’un moment et de transformer cette identité qui devait changer encore en une identité d’une vie.

1.3. Conclusion

En guise de conclusion, je reprendrai la métaphore que fit le Docteur Ribstein au cours d’un colloque sur " Adolescence et surdité " organisé par l’A.R.I.E.D.A. (Association Régionale pour l’Intégration des Enfants Déficients Auditifs) en 1990, sur l’adolescence des chenilles pour illustrer celle des garçons et des filles :

" Lorsqu’une chenille avance dans la vie, il arrive un jour où elle disparaît et c’est l’incertitude la plus complète. On ne sait vraiment pas ce qui se passe dans le cocon mais, ce que l’on sait, c’est que trois semaines plus tard il en sort un papillon et qu’il n’y a aucune commune mesure entre ce papillon splendide et cette chenille. C’est exactement le même problème pour la crise d’adolescence. C’est avec les mêmes morceaux d’avant la crise que se construit la nouvelle identité. Qu’il fasse un peu n’importe quoi entre les deux, ce n’est pas finalement ce qui est le plus important au regard de ce qu’il peut devenir. Les papillons savent cela beaucoup mieux que nous, ils savent que pendant cette période, il ne faut pas y toucher, ne pas interférer dans le cocon au risque de tuer le tout. "

Le pédagogue, lui, n’aura surtout pas à porter de jugement sur ce que les adolescents lui donnent à voir d’eux-mêmes. Il devra seulement préserver sa classe comme si elle était elle-même un cocon, empêcher que les jeunes y interfèrent à sa place et y développer des stratégies pour qu’ils comprennent qu’à l’intérieur ils peuvent s’y reconstruire.

Etre adolescent, ce n’est pas toujours facile car c’est renoncer au passé, à certaines de ses illusions, à certaines images de soi, aux situations infantiles. Etre adolescent, c’est avoir une relative autonomie sociale, c’est pouvoir agir en dehors du contrôle des parents, c’est faire preuve de responsabilités, c’est commencer à se projeter concrètement dans la vie d’adulte.

2. Etre sourd est une invariance de toute une vie.

La surdité n’est pas une maladie que l’on soigne et qui guérit. C’est un état. C’est pourquoi elle ne figure pas sur la liste des trente affections de longue durée dans le code de la Sécurité Sociale.

Comme je l’ai développé précédemment, l’identité n’est pas une chose donnée d’emblée, (on ne naît pas avec une identité) mais c’est quelque chose qui se construit. J’ai donc repris certaines étapes de l’itinéraire de l’enfant en me demandant si elles se passaient de façon très différente pour l’enfant sourd. Cependant je ne prendrai en considération que les enfants sourds ayant des parents entendants car, l’an dernier, je n’avais que des élèves sourds sévères ou profonds et dans cette situation familiale-là. Les réponses m’ont été données par Benoît Virole (psychologue et psychothérapeute) en lisant l’exposé sur " L’identité de la personne sourde " qu’il fit en 1992 au cours d’un week-end d’information et d’échange organisé par l’A.P.E.D.A.F. (Association des Parents d’Enfants Déficients Auditifs Francophones)

2.1. Le bébé ne sait pas qu’il n’entend pas.

Quand il naît, le bébé ne sait pas qu’il n’entend pas. Par l’absence de stimulations auditives, le bébé est confronté à la vie et au contact physique sans médiation sensorielle de l ‘audition. Selon Françoise Dolto (neuropsychiatre et psychanalyste),  " Le bébé sourd est privé de la caresse auditive de la voix de sa mère ; il est soumis aux situations soudaines dans une magie continuelle parce que les choses arrivent de façon imprévisible et disparaissent également. " Le bébé a besoin d’une protection pour pouvoir construire sa personnalité primitive et construire ses défenses vis-à-vis des agressions qui lui viennent du monde extérieur et des agressions qui lui viennent du monde intérieur. Cette protection, il ne peut l’avoir qu’en s’identifiant à la mère ou au père.

Est-ce que cette identification primaire se passe de façon différente chez les enfants sourds ?

Non, car la question de la matérialité du langage importe peu à ce moment de la construction de l’identification primaire qui se fait par des interactions précoces (échanges de regard, échanges tactiles, caresses) et par des communications inconscientes que Daniel Stern (psychologue) appelle " l’accordage affectif " . La mère en répondant au mode d’expression du bébé par une synchronie de rythmes, de vocalisations, de modifications toniques renforce les imitations du bébé et les transforme en moyens de communication qui deviennent ensuite une communication recherchée par l’enfant.

Par contre la question qui se pose, est sur l’état psychique des parents apprenant ou constatant que leur enfant est sourd et sur le risque de dépression qui peut leur arriver. Dans le pire des cas, l’enfant, ne pourra s’identifier qu’à des parents dépressifs et portera en lui-même une dépression. Il y a là un travail précoce que les professionnels doivent pouvoir faire et qui ne touche pas la question de l’identité ou de la non-identité, celle de l’utilisation du langage oral ou gestuel mais la question de ce que représente pour les parents le fait d’avoir un enfant qui n’est pas comme les autres et le nécessaire rétablissement d’une communication poly-sensorielle.

2.2. La surdité ne se voit pas.

Quand l’enfant se contemple dans la glace, qu’il y voit sa propre image, cela lui permet de se décoller un peu de ses identifications premières à la mère et de construire une certaine forme de subjectivité.

Est-ce que c’est différent chez les enfants sourds ?

Non, les enfants sourds passent par ce moment sans grandes difficultés.

2.3. La surdité en tant que différence

Quand l’enfant construit son identité par les identifications secondaires en se comparant à son père ou à sa mère dans des buts que la psychanalyse a décrit comme œdipiens, le garçon veut prendre la place de son père pour pouvoir avoir une relation privilégiée avec sa mère. La petite fille fait l’inverse, elle s’identifie à sa mère pour pouvoir prendre la place de celle-ci auprès de son père.

Est-ce que cela se passe autrement pour les enfants sourds ?

Non, les enfants sourds passent par ce stade de construction d’identité comme les enfants entendants. Par contre, ce moment est peut-être l’objet de certaines formes de difficultés car tout enfant à ce moment-là, vers cinq, six, sept ans, n’est guère satisfait de ce que sont ses parents. Il voudrait s’imaginer qu’ils sont beaucoup mieux, qu’ils ont beaucoup plus de qualités que les parents qu’il voit dans la réalité.

Dans le contexte de la surdité, ce moment prend une teneur particulière parce que ces enfants sourds se disent : " Ce n’est pas possible que je sois l’enfant de mon père et de ma mère qui entendent puisque moi je suis sourd . " S’il se met à se poser des questions sur l’origine de sa surdité, il peut s’imaginer qu’il n’est pas réellement l’enfant de ces parents-là et cela ouvre la voie à toute une forme d’imaginaire et de fantasmes particuliers que malheureusement, l’enfant garde souvent pour lui et qu’il vit dans une grande culpabilité. Une certaine difficulté psychologique peut être générée à ce moment-là, mais en grande majorité, les enfants sourds continuent à aller de l’avant.

2.4. La surdité en tant qu’appartenance

Quand l’enfant entre dans l’adolescence, après cette période de latence qui semble relativement tranquille, il entre dans ce troisième moment de la construction de son identité. Ce moment est un moment très particulier parce que l’identification parentale va se transformer en identification sociale, c’est à dire que le rapport identificatoire aux parents va se déplacer vers le groupe. Il ira vers le groupe d’adolescents avec qui il entretiendra des idéaux communs, des intérêts communs qui peuvent être un style de musique, un sport ou autre chose. Ce sont des groupes en dehors de la famille avec lesquels l’enfant s’identifie et construit son identité sociale à partir des idéaux de ces groupes. D’autres adultes de référence, éducateurs, enseignants, peuvent aussi servir d’appui identificatoire.

Est-ce différent pour les adolescents sourds ?

Oui, il y a là quelque chose qui se passe de très particulier : c’est le moment de rencontre du mouvement subjectif d’identité d’un enfant avec l’aspect communautaire et social de la surdité. Pour les enfants sourds, les modèles identificatoires entendants sont interdits car les adolescents sourds sont à ce moment-là dans une certaine forme de compréhension rationnelle de ce qu’est la surdité et de prédiction relativement rationnelle de ce que pourra être leur futur. Ils sont conscients qu’ils ne peuvent plus être entendants et que leur destinée est d’être sourd et dans la communauté des sourds. Là, il y a une identification qui est très forte, plus forte que chez les adolescents entendants. Elle se remarque par des ruptures fréquentes et des conflits avec le milieu familial entendant.

2.5. La communauté sourde

Qu’est-ce que la Communauté sourde ?

Elle est l’ensemble des personnes sourdes qui se reconnaissent comme telles, celles pour qui la surdité est un facteur essentiel et souvent positif d’identification et pour qui la Langue des Signes est la langue de référence.

L’identification à la communauté des sourds est si forte que certains adolescents qui ont une relativement bonne lecture labiale, une bonne compréhension de l’oral et une bonne habituation prothétique, préfèrent rejeter tout cela en bloc même s’ils en tirent un profit dans la communication.

2.6. L’appareillage

Est-ce que la crise d’adolescence est plus ou moins forte selon que le handicap se voit ou ne se voit pas ?

Oui, la crise d’identité est plus forte si le handicap se voit car la crise d’identité se fait en se fondant sur le corps, et si ce corps est lui-même en incertitude par sa déficience auditive, le renvoi du miroir d’un visage appareillé peut renforcer le déplaisir du jeune face à son corps qu’il ne reconnaît plus, qui ne lui donne plus une fondation solide. Ce renvoi du miroir l’amènera assurément à se questionner et à réfléchir sur l’apport de son appareillage.

Il faut savoir que les prothèses auditives pour un enfant ayant une surdité sévère (70 à 90 dB), ne lui suffiront pas pour accéder, tout seul, au langage oral : il aura besoin d’une longue période de rééducation orthophonique qui atténuera ses difficultés de communication en langue orale (importants troubles du langage). Il n’entendra pas la parole, ne pourra donc pas suivre les conversations, même dans un milieu calme, et passera à côté de nombreuses informations.

Il faut également savoir que les prothèses auditives pour un enfant ayant une surdité profonde (supérieur à 90 dB), lui redonneront seulement une perception quantitative des informations sonores mais rendront impossible la compréhension du message oral sans lecture labiale tellement les sons seront distordus. Elles ne lui permettront jamais d’entendre la parole. Il pourra, par moment, saisir certains bruits de la vie courante supérieurs à 80 dB qui lui serviront de repères. 12

Mettre ses appareils, c’est faire voir sa surdité mais c’est surtout se confronter à l’incompréhension des autres qui pensent qu’ils suffisent à recouvrer une bonne audition. C’est donc, à un moment donné, être obligé d’expliquer et de se justifier. Mettre ses appareils, c’est masquer les acouphènes si gênants mais c’est aussi exposer ses conduits auditifs aux allergies.

Retirer ses appareils ou adopter une coiffure qui les cache, aux dépens parfois de son confort, c’est vouloir se trouver physiquement plus désirable mais c’est surtout vouloir passer inaperçu. C’est être persuadé que n’importe qui, c’est à dire les personnes entendantes, aperçoivent au premier coup d’œil les appareils alors que la plupart du temps elles ne s’en rendent pas compte. C’est vouloir sortir de l’enfance et quitter le monde des élèves sourds si appareillés et entrer dans le monde des adultes sourds si peu appareillés.

2.7. Conclusion

Cette mutation qui fait d’un enfant un adulte est souvent compliquée par les problèmes liés à la déficience auditive. Le degré d’audition, la cause de la surdité, l’âge de sa survenue, les réactions de la famille, les choix éducatifs, font que ces enfants arrivent au seuil de leur adolescence très différemment. L’enfant sourd devient un adulte sourd et sa quête d’identité est plus angoissante que pour son homologue entendant.

En effet, cet enfant, à sa naissance, a l’identité civile que ses parents lui ont donnée en lui transmettant leur nom de famille et en lui choisissant son prénom. Et puis quelques années plus tard, dès qu’il commence à être pris en charge par des personnels spécialisés, sa nomination change. Il sera porteur d’un autre prénom, d’un nom signé qui n’a souvent rien à voir avec le patronyme mais qui va le désigner dans la communauté de ces personnes sourdes. Cet enfant a donc une double identité si on se place sur le terrain de la nomination et on peut mieux comprendre qu’au moment de l’adolescence, le jeune, dans sa quête d’identité, commence par se positionner en donnant sa préférence à l’un de ses deux signifiants.

Le pédagogue, qui enseignera à des élèves sourds, devra impérativement avoir consulté leur dossier pour y trouver tous les renseignements médicaux, orthophoniques et scolaires les concernant. Il connaîtra ainsi l’origine, l’âge de survenue et le degré de leur surdité, le gain apporté ou non par l’appareillage et leur mode de communication. Il exploitera ces renseignements en classe en adoptant les moyens de communication qui permettront à chacun, lui compris, de s’exprimer, de s’expliquer, de participer, d’entendre la parole de l’autre. La classe deviendra ainsi un lieu de parole, d’écoute et d’échanges ouvrant sur celui du travail.

3. Etre en échec scolaire pénalise.

La surdité sévère ou profonde, oblige très souvent l’enfant à suivre une scolarité en institut spécialisé.

3.1. Leur parcours scolaire

Mes neuf élèves ont toujours été inscrits jusqu’à l’âge de douze, treize ans, en classes spécialisées (maternelles puis primaires) annexées dans différentes écoles ordinaires du département de l’Oise. Des conventions signées avec les villes concernées (Beauvais, Compiègne, Creil, Montataire puis Clermont) ont permis d’aménager des locaux (cabines d’orthophonie, salles de classes, bureaux, salles de réunions…) et de répondre ainsi aux objectifs primordiaux de l’association Langage et Intégration, comité spécialisé créé en 1970 pour la déficience auditive par l’A.P.A.J.H. (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés).

C’est à dire :

" -développement de la communication orale de l’enfant déficient auditif quel que soit le milieu socioculturel de la famille, son degré de perte auditive, l’étiologie de son handicap.

-insertion sociale du déficient auditif enfant, adolescent et adulte en favorisant au maximum l’intégration sociale et scolaire.

-maintien de l’enfant déficient auditif dans le milieu familial et dans le tissu social de son environnement naturel.

-participation des familles à l’acte éducatif, en reconnaissant leur appartenance la plus totale à l’équipe éducative. "

Pour des raisons d’homogénéisation des classes, mais aussi pour optimiser le suivi individuel des jeunes adolescents, un seul collège à Breuil-le-Vert (déterminé comme Collège Ressource par l’Inspection Académique et situé au centre du département) les accueille à leur sortie du primaire. Là encore, une convention existe mais cette fois-ci avec le Conseil Général. Des circuits de taxis permettent l’acheminement des élèves sur ce lieu.

A leur sortie du primaire, mes élèves n’avaient ni le niveau scolaire nécessaire pour suivre une classe de 6ème type (enseignement effectué par des professeurs du collège), ni celui non plus pour suivre une 6ème type spécialisée (enseignement effectué par des professeurs du collège et un instituteur spécialisé option A pour le Français) appelée 6ème J. Ils ont donc été inscrits en 6ème 1 (classe spécialisée de niveau cycle2-cycle3 avec un enseignement principalement donné par un instituteur spécialisé option A, exceptées les disciplines sportive, musicale et plastique).

L’année suivante, ils n’ont pas pu rejoindre la filière J (maximum huit élèves par classe) qui a comme particularité d’accueillir des élèves entendants d’un niveau scolaire insuffisant pour suivre en classe type) et ont donc passé une nouvelle année en 6ème1.

(Se reporter à l’organisation scolaire du secondaire 1999/2000, en annexe, pour plus de clarté)

En 1999/2000, sept élèves sont arrivés en première année de 3ème 1 rejoignant deux élèves qui allaient effectuer leur deuxième année dans cette même classe. Quatre filles et cinq garçons âgés de quinze à dix-sept ans allaient avoir à passer ensemble une année. Nous étions rassemblés neuf heures par semaine pour effectuer deux heures d’informatique, cinq heures de V.S.P. (Vie Sociale et Professionnelle), une heure d’éducation civique et une d’éducation routière.

Quatre de ces neuf élèves, reconnus dysphasiques, ne suivaient ni les cours de Français ni ceux de Mathématiques avec les cinq autres car ils participaient au groupe M.L.L. (Module Langage Logique) animé par des orthophonistes.

Les cinq autres avaient un niveau cycle 3 en calcul et un niveau cycle 2 en lecture. Dans leur emploi du temps étaient prévues quatre heures de Mathématiques avec un professeur de collège et cinq de Français avec moi.

Nous, tous les enseignants intervenant auprès de ces élèves, étions face à des élèves confrontés depuis trop d’années à l’échec scolaire et moi j’étais désemparée face à ce constat.

    1. Leur incompréhension de l’échange langagier
Ils avaient face à l’expression verbale (émise en Langue des Signes) le même rebut que face à un texte dès qu’il s’agissait de travailler sur le contenu. Ils n’étaient ni signeurs ni lecteurs et trois seulement oralisaient un peu, c’est à dire qu’ils lançaient quelques mots pas toujours intelligibles et rarement coordonnés entre-eux.

Comme chacun sait, mieux l’on parle une langue, plus efficace est l’apprentissage de son code écrit ; et plus efficace est cette acquisition, mieux le discours oral s’en trouve maîtrisé. On peut donc comprendre l’énorme difficulté, qu’ont eue ces élèves qui n’ont jamais entendu, face à l’apprentissage de la lecture et le découragement, voire le dégoût, qui en résulte plusieurs années après, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils ne sont toujours pas arrivés aux résultats souhaités par les enseignants et les orthophonistes. Pourtant au fil des années ils ont appris à reconnaître certains mots mais leur organisation dans les phrases leur fait défaut. Ils n’ont toujours pas les moyens d’identifier les indices qui sont à la base de la construction du sens. Donc, face à un texte, après avoir lu les quelques mots qu’ils reconnaissent, ils construisent avec plus ou moins d’imagination leur propre histoire. Ils considèrent le texte comme un prétexte à dire et non comme une source essentielle d’informations dont il faut respecter l’organisation.

3.3. Leur illettrisme

" Les illettrés ont, dans leur communication orale, un comportement de même nature que celui qu’ils développent face au texte écrit. Si le " Cela va sans dire " constitue la règle de l’échange langagier, le " Cela va sans lire " régit le plus souvent aussi la relation au texte. L’individu, persuadé que l’acte de communication orale ne sert qu’à évoquer une expérience par avance connue, sera absolument incapable d’affronter

en solitaire la part d’inconnu que contient le texte écrit et d’accepter la distance qu’il impose. "

3.3.1. L’illettrisme est-il une résultante de la surdité profonde ?

D’après Alain Bentolila, " L’illettrisme en général est dû à une médiation familiale particulièrement perturbée et à un contexte culturel terriblement appauvri. "

Or, il faut savoir que les familles, à l’annonce du diagnostic de surdité de leur enfant, réagissent parfois de façon brutale en interrompant totalement toute communication avec lui. Les parents, sachant que leur enfant n’entend pas, ne pensent plus à lui parler, se bloquent dans leur relation et deviennent impuissants dans leur rôle de parents. Ils ne savent plus comment faire. C’est la perte de l’enfant rêvé. Et c’est aussi la coupure avec leur propre langue qui devient incompréhensible et surtout insignifiante.

Bentolila, suite à une étude effectuée sur l’état de santé de soixante mille jeunes adultes illettrés (étude qui accorda une attention toute particulière aux problèmes de vision et d’audition) a remarqué que " les déficiences auditives sont plus fortement et plus directement liées à l’illettrisme que les déficiences visuelles, et perturbent de façon plus décisive et plus durable l’apprentissage de la lecture. "

Les déficients auditifs sévères et profonds présentent presque toujours des retards très importants dans leur apprentissage de la lecture. Ces retards sont dus à l’insuffisance d’expérience auditive de la parole qui perturbe le développement des codes phonologiques, indispensables à la compréhension du langage aussi bien parlé qu’écrit.

D’après Christiane Fournier, " La Langue française, pour la majorité des enfants sourds, est une langue qui s’acquiert par un apprentissage dirigé et qui prend les caractéristiques d’une langue seconde, sans reposer sur des concepts préalablement acquis par une langue maternelle ou première. "

Or, il faut savoir qu’un signe, en Langue des Signes, peut vouloir dire toute une phrase. Par exemple, un seul signe pour exprimer " Qu’est-ce qu’on fait ? " ou un autre pour " Ce n’est pas la peine ! ". On peut donc mieux comprendre que pour un élève sourd une phrase n’aura qu’un seul sens, sera un bloc-énoncé qui lui sera très difficile de réemployer pour pouvoir exprimer autre chose. Ce sera donc à l’enseignant à veiller à ce que l’élève puisse travailler dès son plus jeune âge, à l’oral comme à l’écrit, sur les axes paradigmatique et syntagmatique.

3.3.2 Doit-on alors introduire la Langue des Signes dans l’enseignement ?

La langue comme moyen de communication et la langue comme objet d’étude n’entraînent pas les mêmes exigences, les mêmes rigueurs. Il ne faut pas tomber dans le piège de la traduction. Traduire permet de comprendre les idées, mais pas de réinvestir les outils de la langue étudiée.

Christiane Fournier écrit dans le chapitre sur " La langue des Signes : une aide à l’acquisition du Français " " qu’il faut utiliser la L.S.F. comme langue de référence pour aider les élèves :

-à mieux mémoriser le lexique, en travaillant sur la racine générique.

-à mieux comprendre certaines structures syntaxiques par des méthodes contrastives entre les deux langues.

-à véritablement intérioriser la Langue française comme outil d’expression.

-à être vigilant sur les différents sens des mots en fonction du contexte.

-à prendre conscience de l’existence des différents registres de langue. "

Comment faire intervenir la Langue des Signes ?

Pour une telle réalisation, il faut d’une part que les élèves sourds aient une connaissance minimum de cette langue, qu’ils bénéficient d’un enseignement distinct des autres disciplines, qu’ils la pratiquent régulièrement pour qu’elle devienne langue de référence et d’autre part que l’enseignant soit lui-même un pédagogue bilingue. Dans ces conditions, des situations de méta-langage se multiplieront et les élèves deviendront plus sensibles à chacune des deux langues. Ils saisiront mieux le caractère propre à chacune, l’originalité de leur syntaxe, la logique intérieure qui en commande toutes les parties et en assure toute leur unité.

La bonne maîtrise de la L.S.F. peut renforcer celle du français écrit et peut avoir des effets bénéfiques sur la diction. Elle n’améliore pas l’articulation mais la qualité de l’élocution : les énoncés sont alors plus rythmés, plus prosodiques, plus fluides.

3.4. Conclusion

L’illettrisme ne serait donc pas une résultante de la surdité profonde même si régulièrement le nombre de 80% d’illettrés parmi les personnes sourdes profondes est avancé. Il démarrerait avec la perte de la faculté de certains parents entendants à communiquer avec leur enfant sourd. Il se poursuivrait avec l’isolement acoustique dans lequel est plongé indéniablement l’enfant. Et il deviendrait une résultante des méthodes d’apprentissage même si tout au long des années, les pédagogues ont essayé d’enrayer l’échec scolaire de certains de leurs élèves. Pendant trop longtemps, l’usage de la L.S.F. a été ignoré. Depuis qu’il a été réintroduit dans l’enseignement en association au français oral et écrit (grâce à la loi du 18 janvier 1991) plusieurs établissements ont réfléchi à sa mise en place. Mais le manque répété, tout au long de leur scolarité, d’enseignants spécialisés, d’équipes en poste stable et de cours de Langue des Signes enseignée par des personnels sourds, a pénalisé ces élèves.

Le pédagogue qui enseignera à des élèves sourds (surtout ceux qui sont sourds sévères ou profonds) et qui sera confronté lui-même à la difficulté d’apprentissage de la L.S.F. devra lutter contre ceux qui ont la persistance de croire encore que cette langue est innée chez ses élèves et qu’ils n’ont donc pas besoin de l’apprendre. Il devra se souvenir de ce qu’a écrit Danièle Bouvet dans le chapitre sur " L’accès de l’enfant sourd à la parole "  : soulever le problème que de laisser communiquer des enfants sourds en signes d’une façon anarchique sans le contrôle de l’adulte sourd ne les amènera pas à développer toutes leurs capacités communicatives et à acquérir les structures linguistiques nécessaires à l’élaboration d’une pensée nuancée et précise. Il devra lui-même régulièrement se perfectionner en L.S.F. pour apporter des précisions et des corrections dans les échanges, dans la compréhension de tâches scolaires ou d’idées. La surdité sera pour tous une incapacité à entendre et non une incapacité à parler : la langue des signes permettant à tous d’être des êtres de parole. L’enseignant devra rapidement devenir un sujet bilingue et proposer de façon concomitante les deux langues que sont la langue des signes et la langue vocale. Il ne pourra aborder l’apprentissage de la langue écrite avec ses élèves que s’il réussit à ce qu’ils comprennent les avantages à posséder les deux pour entrer dans l’écrit. Ecrit qui leur ouvrira les portes de la connaissance du monde entendant environnant, écrit qui les inscrira dans la société, les rendra autonomes et ne les en exclura pas.

II. Comprendre leur refus de travailler.

1. De l’effet néfaste des surdéterminations

Dans leurs classes respectives de primaire, mes neuf élèves étaient ceux qui se distinguaient par leurs mauvais résultats, leur agitation, leur manque de savoir-faire en lecture, à l’écrit et en calcul. Dès leur entrée au collège, ils ont été rassemblés dans une classe (6ème 1) avec un maître spécialisé. Comme je l’ai expliqué précédemment, ils ont fait une deuxième année de 6ème 1. Même si cette solution, toujours appliquée, paraît intelligente à tout le monde car elle permet aux meilleurs élèves de continuer à évoluer (vers la 6ème J) et aux moins bons de bénéficier encore d’un enseignement spécialisé, à ce moment-là, ils ont su qu’ils ne pourraient plus suivre une scolarité comme la plupart de leurs camarades sourds. Ils ont pris vraiment conscience qu’ils étaient en échec scolaire.

En même temps, ce qu’il faut savoir, c’est qu’à chaque fois que l’on fait une exclusion, on détermine une inclusion. C’est à dire qu’en mettant ensemble ces élèves, on détermine leur inclusion autour d’un trait commun qui est leur impossibilité à suivre un enseignement de collège. Et ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que l’inclusion que détermine une homogénéisation autour d’un trait commun aura toujours tendance à le renforcer.

Il en a été de même à propos de leur surdité : en n’étant ni des élèves intégrés dans des classes types, ni des élèves de classes J comprenant quelques élèves entendants, il s’est créé une inclusion à l’intérieur de ce groupe d’élèves dont le trait commun, la surdité, s’est renforcé : ils sont devenus de plus en plus sourds.

Quand ces adolescents ont rejoint la classe de 3ème1, toujours réunis autour des mêmes traits communs, ce que l’on voulait éviter au départ s’est très vite trouvé renforcé.

2. De la facilité à se handicaper

Ils se savaient donc en échec scolaire et ils savaient que tous les autres (parents, camarades, enseignants, éducateurs et orthophonistes) le savaient. Ils en avaient assez de l’école et de l’orthophonie : ils ne voulaient plus apprendre, être mis en situation d’échec. Ils ne voulaient plus souffrir, ils voulaient qu’on les laisse tranquilles, ils voulaient seulement être sourds : ils se handicapaient.

D’ailleurs, n’est-ce pas ainsi qu’on les considère depuis qu’ils sont tout petits ? Depuis l’annonce du diagnostic de leur surdité, ils sont devenus médicalement des enfants sourds et leurs parents les ont vécu comme des enfants " malades ", déficients ou handicapés.

Ils ont grandi dans la dénégation de leur surdité car ils sont allés à l’école et là, en accord avec leurs parents qui n’avaient pas encore fait le deuil de leur surdité, ils ont été des élèves qu’il fallait " soigner ", faire parler, éduquer (non comme des enfants sourds mais comme des enfants entendants). En effet, la surdité, si elle est invisible, elle s’entend dans leur vocable ou dans leur silence. Les professionnels ont alors été confrontés à l’impossible résultat car faire " parler " un enfant sourd, c’est en quelque sorte le faire entendre. Et les élèves ont été enfermés dans leur handicap.

Il est vrai que depuis quelques années, ces professionnels ont réfléchi sur leurs difficultés, ont accepté leur propre impuissance et ont porté un vrai regard sur l’enfant sourd. Avec le retour de l’emploi de la L.S.F., il n’est plus question pour eux de faire " parler " l’enfant sourd comme un enfant entendant mais simplement comme un enfant sourd. C’est en effet la seule langue, affirme Danièle Bouvet, qui " permet au sujet sourd d’accéder à toutes les caractéristiques de la parole comme celle du feed-back interne selon lequel parler c’est aussi s’entendre, s’exprimer et s’identifier. Toute parole est émise sous le contrôle permanent de l’émetteur. Cette action en retour est assurée pour les personnes entendantes par l’audition : parler, c’est s’entendre et pour les personnes sourdes par la vue : parler, c’est se voir. " Malheureusement mes élèves n’ont pu bénéficier à temps de ce changement d’optique.

Ils ont grandi dans la dépendance qu’offre la reconnaissance de leur déficience auditive, dans la dépendance des incapacités et des désavantages qu’elle entraîne. C’est à dire qu’ils ont grandi dans la surprotection. Celle de leurs parents d’abord, qui trop démunis, ne leur ont pas toujours réclamé la même exigence, la même manifestation de leurs capacités propres d’enfants qu’ils leur auraient réclamées s’ils avaient été entendants. Celle de la C.D.E.S. (Commission Départementale de l’Education Spéciale) qui leur a désigné les établissements pouvant leur dispenser l’éducation spéciale correspondant à leurs besoins. Celle des régimes d’assurance maladie ou à défaut de l’Aide Sociale qui assurent le paiement des frais de leurs prises en charge. Celle du département qui paie entièrement leurs frais de transport en taxi vers leur établissement scolaire. Celle des professionnels qui gravitent autour d’eux en grand nombre et qui leur dispensent tant d’attention.

Je reconnais la nécessité de tous ces dispositifs mis en place pour accueillir la différence et les difficultés des enfants sourds mais je soulève le danger qu’ils représentent s’ils sont toujours tous maintenus au fur et à mesure que le temps passe et que ces enfants grandissent. Je sais que ces dispositifs sont des droits visant à long terme l’assurance de l’autonomie de la personne handicapée et sa normalisation. Cependant, de ces dispositifs, mes élèves n’en retenaient que les droits et pas du tout dans l’optique d’une autonomie ni d’une normalisation.

Mes élèves sourds, élevés dans la dénégation de leur surdité et en même temps dans l’obligation de remplir le contrat lié autour de leur handicap ont commencé l’année scolaire par des agissements très conflictuels surtout parce qu’ils étaient en échec scolaire et avec des pensées très angoissantes surtout parce qu’ils étaient en pleine adolescence. Dès le début ils ont refusé en bloc tout ce qui était en rapport avec le travail scolaire mais aussi tout ce qui pouvait les rapprocher de la normalité du grand groupe des personnes entendantes et ont cherché rapidement à s’en différencier au maximum en imposant et en s’imposant leur différence, c’est à dire leur surdité. C’est en cela que je dis qu’ils se handicapaient.

En imposant leur surdité, ils voulaient s’octroyer de nouveaux droits, restés insatisfaits sur ceux qu’ils avaient depuis tant d‘années. Par exemple le droit de rester dans le hall du collège alors que cela était interdit, le droit d’emprunter l’ascenseur réservé aux élèves handicapés moteurs, le droit d’être dans les couloirs aux moments où personne ne devait y être, le droit de manger quand ils le désiraient c’est à dire sans tenir compte de l’appel échelonné des classes (appel fait par haut-parleur mais en même temps visualisé sur un panneau d’affichage), le droit d’avoir un taxi pour faire cinq cents mètres, le droit d’arriver en retard aux cours, le droit de mentir : tout cela sous prétexte d’être sourds. En fait, ils avaient un grand besoin d’être considérés.

En s’imposant leur surdité, ils voulaient atténuer leurs angoisses présentes de mal-être et celles liées à leur devenir. Ils étaient persuadés que c’était le seul recours qui leur restait et déjà se satisfaisaient de la garantie du minimum de ressources que le statut de personne handicapée leur procurerait. Ils préféraient être dépendants de leur handicap que d’eux-mêmes, habitués depuis trop d’années à la perte de leur propre estime.

3. Du rejet de l’enseignante malentendante

Très rapidement ils ne m’ont plus acceptée car ils ont très vite remarqué que je n’étais que malentendante, que j’oralisais et que je n’avais pas un bon niveau de langue des signes, du moins que je n’étais pas à l’aise dans cette langue. Si j’offrais pour certains une image de la réussite qu’ils n’appréciaient guère, pour d’autres je n’étais qu’une image du peu de valorisation qu’on leur donnait en leur imposant ma présence et cela ils ne le supportaient pas mieux. Bref, ce que j’avais pensé pouvoir être un avantage n’était en fait qu’un désavantage. Il n’était pas question pour eux que je puisse leur demander quoi que ce soit sur le plan du travail. Ils arrivaient donc systématiquement en retard à mes cours et de façon échelonnée, ne sortaient pas leurs affaires ou ne les avaient pas, ne s’asseyaient que s’ils étaient fatigués, ignoraient volontairement ma présence, ne me regardaient que pour vérifier mes réactions mais détournaient délibérément le regard dès que je m’adressais à eux. Ils voulaient être certains que je comprenne bien qu’avec eux, je n’obtiendrais rien. Ils auraient pu m’accepter si j’avais été de leur côté, si j’avais compati, c’est à dire si je les avais laissés se handicaper, si j’étais restée dans l’assistanat. Puisque j’étais l’enseignante dérangeante, ils avaient donc décidé de me déranger et certains faisaient même pression sur les autres pour qu’il en soit ainsi.

4. Conclusion

En conclusion, je dirai que c’est à cause des phénomènes que provoquent les surdéterminations et à cause des incertitudes qu’engendre l’adolescence que mes élèves ont adopté une attitude de refus de travailler et une tendance à se handicaper et ont créé pour l’enseignante que j’étais une impossibilité à travailler. Il était temps d’arrêter de culpabiliser, de ne plus porter mes efforts à essayer de suivre un programme, à réfléchir sur des présentations attrayantes de séquences mais d’élaborer de nouvelles stratégies pédagogiques pour atteindre de nouveaux objectifs, c’est à dire ceux de la normalisation, de l’autonomie et de la part de responsabilité de la personne handicapée quant à son devenir professionnel et social, et de suspendre dans l’instant mes objectifs purement didactiques. Il était temps qu’ils arrêtent de prendre possession des différents lieux du collège (classe comprise) comme s’ils y étaient chacun chez eux, s’y installant et s’y organisant comme bon leur semble pour manifester leur droit à la différence et leur refus à la normalisation. Il était temps qu’ils arrêtent de faire bloc dans la passivité, dans la surdité pour échapper au travail, qu’ils arrivent à se distancer les uns des autres, à communiquer par des échanges constructifs, à se supporter en acceptant leurs différences, à se rassembler autour d’un autre trait commun : élèves qui préparent leur devenir.

Celle nouvelle inclusion était nécessaire pour combattre leur sentiment d’échec scolaire, leur mésestime d’eux-mêmes, leur volonté d’exclusion. C’était au pédagogue, que j’étais, de créer cette nouvelle inclusion, d’en faire partie car elle était également nécessaire pour moi, de la diriger, de la maintenir en place et d’attendre que cette nouvelle homogénéisation renforce le nouveau trait commun qui me permettrait ultérieurement de reprendre mes objectifs purement didactiques et de réintroduire une pédagogie différenciée qui ne serait plus celle de l’assistanat comme malheureusement elle l’était très rapidement devenue.

J’ajouterai pour finir que c’est avec l’aval de mon responsable pédagogique et de toute l’équipe des référents de l’antenne D.A. (Déficients Auditifs) de l’Ecole Intégrée Rabelais et du collège Jacques-Yves Cousteau que je m’engageais à changer la situation devenue intolérable. J’avais eu le courage de parler et j’avais le soutien de tous. J’appris qu’à d’autres cours, mes élèves ne se conduisaient pas toujours correctement. Je savais que je n’avais pas le droit de craquer nerveusement. Je sentais que je pouvais encore tenter quelque chose avec eux.
 
 

III. Adopter des pédagogies adaptées et intégratrices.

1. La pédagogie institutionnelle

1.1. Un remède au n’importe quoi

Un jour, que les élèves étaient tous assis et qu’ils faisaient bloc dans le refus de sortir leurs affaires en restant manteau sur le dos et bras croisés sur le cartable, je me surpris à demander à l’un d’entre eux s’il avait envie de travailler. Comme il me répondit " non ", je me surpris encore à ouvrir la porte, à lui faire signe de sortir et à faire de même avec ses voisins. En quelques instants, je me retrouvai toute seule dans la classe complètement éberluée qu’ils soient tous partis l’un après l’autre. Je restai ainsi une dizaine de minutes quand mal à l’aise, je ressentis le besoin d’avertir le principal adjoint de ce qui venait de se passer. Il me dit que je n’avais pas cette carte blanche là et ensemble, nous partîmes à la recherche des élèves, heureusement regroupés dans la cour, même si c’était à l’écart. Le principal adjoint nous reconduisit en classe, dit qu’il fallait travailler et nous laissa. Pour les élèves comme pour moi-même, le message était clair : notre place était là, dans la classe. Nous ne pouvions rien contre cette décision. Qu’on le souhaite ou non, nous étions obligés d’être là et ensemble. Certains sortirent leurs affaires. Moi je m’assis. Un s’aventura à me demander si on travaillait et je répondis " non ". Un autre signa : " Qu’est-ce qu’on fait ? " et j’écrivis au tableau : On en discutera demain. La fin de l’heure nous délivra.

Le lendemain, nous étions tous différents quand nous nous retrouvâmes. Nous savions tous que nous avions passé des limites qu’il ne faudrait plus franchir de nouveau. Nous savions que quelque chose de grave s’était passé et qu’il fallait en parler. La discussion eut donc lieu sur le thème : " Personne n’est content. Qu’est-ce qui ne va pas? " Et chacun dut répondre à cette question.

1.2. Une mise en place d’invariants

De cette exigence, nous nous sommes rendus compte qu’on ne se voyait pas bien pour échanger et nous nous installâmes autrement. Il nous parut nécessaire qu’il fallait se manifester avant de commencer à s’exprimer, attendre que tous regardent, s’appliquer à bien former ses signes, à ne pas aller trop vite et accepter de répéter quand l’autre n’avait pas compris du premier coup. Nous convînmes que la prochaine fois on conserverait la même disposition des tables, les mêmes règles pour échanger, puisque c’était mieux, et en sachant que la discussion porterait sur " Pourquoi ça ne sert à rien de travailler ?", étant donné que de leurs réponses à la question " On n’est pas content, qu’est-ce qui ne va pas ? ", revenait régulièrement le fait que je leur demandais de travailler, toujours travailler et que ça ne servait à rien de travailler.

Par la suite, d’autres invariants se mirent en place :

Frapper avant d’entrer (c’est à dire comprendre que même s’ils n’entendent pas l’invitation à entrer, ils doivent le faire) et attendre pour les salles de classe, d’informatique et de réunion que quelqu’un vienne ouvrir la porte. Dire bonjour, s’excuser quand il s’agit d’un retard ou expliquer sa présence.

Emporter son cartable le midi quand on est dans une salle différente l’après-midi (c’est à dire comprendre qu’ils font comme les autres collégiens, qu’ils sont dérangeants pour ceux qui occupent la salle l’après-midi quand ils reviennent chercher leurs affaires et qu’ils n’ont plus à justifier leur retard au cours par cette excuse).

Avoir, pour quelques uns, la possibilité de laisser certaines affaires dans l’armoire de la classe pour ne plus avoir à les oublier à la maison.

Occuper toujours la même place et être responsable de la propreté de sa table.

Organiser, pour chaque samedi matin ouvrant sur une période de vacances, les deux heures à passer ensemble, se mettre d’accord et me donner leurs propositions (film, informatique, jeu) en sachant que c’est moi qui effectue le dernier choix.

Inscrire sur une affichette les dates de venue de l’audioprothésiste.

Préparer ensemble les interventions des délégués de classe aux trois conseils de classe (c’est à dire apprendre à peser ses mots, à ne pas être insultants, à poser des questions ou à faire des propositions).

Préparer également ensemble les deux réunions du conseil des collégiens et écouter le compte-rendu du délégué (c’est à dire prendre part à la vie du collège et à l’avis des autres collégiens).

En ce qui me concerne, faire attention à me tenir au centre du tableau et non plus sur le côté. En effet cette place faisait dire aux filles que je m’adressais plus aux garçons qu’à elles.

Toute nouvelle décision prise était écrite sur le règlement et signée par tous.

Tout compte-rendu était écrit et affiché.

Il faut savoir qu’à chaque conseil de classe et de collégiens, un interprète en L.S.F. était présent.

1.3. Un groupe politique, des individus démocrates

Cette mise en place de moments de parole successifs permit de suspendre l’affrontement et de faire le point collectivement sur tout ce qui rétrospectivement nous avait mené à cette situation d’intolérance mutuelle. Parallèlement, ces échanges constructifs nous permirent de former peu à peu un groupe dans lequel les règles de communication se définissaient, étaient de plus en plus réclamées et respectées par tous. Ceux qui n’intervenaient pas du tout auparavant apprirent par eux-mêmes qu’ils avaient quelque chose à dire ou qu’ils pouvaient dire tout simplement alors que ceux qui monopolisaient la parole ou imposaient leur point de vue apprirent à écouter et à devoir tenir compte d’avis différents. Chaque élève devint sujet et acteur du groupe classe. Il était responsable de ses actes et redevable devant le groupe. Il était coresponsable du devenir du groupe et de son bon fonctionnement.

1.4. Conclusion

La pédagogie institutionnelle (terme créé par Jean Oury et datant de 1962) permet une instauration-intégration de règles et de normes pour des enfants rebelles à l’ordre scolaire. C’est un processus de remédiation vis à vis de l’institution scolaire. Elle a une intention de constituer la classe en groupe instituant, en microsociété. Le groupe conflictuel doit arriver à accéder à l’échange serein, organisé, productif, c’est à dire à la démocratie, ce qui implique un certain nombre de dispositifs qui structureront l’espace et le temps, qui valoriseront chaque individu et recueilleront sa voix. Ses maîtres mots sont :" Lieux, Limites, Lois, Langage, Liberté, Responsabilité, Pouvoir." Toute décision engage les deux parties contractantes, c’est à dire l’enseignant et les élèves.

Pendant un certain temps, ces maîtres mots réglèrent nos échanges et prirent plus de sens dans notre vie scolaire que ceux jusqu’alors employés : leçons de Français, exercices d’application, règles d’orthographe, lectures, études de documents, analyses de données… Il était important et nécessaire que tout soit redéfini, institué pour que chacun ait envie de se retrouver pour travailler ensemble et différemment. La discipline et l’ordre ne devaient plus venir de moi, mais d’eux-mêmes après réflexion sur l’expérience vécue.

Le pédagogue qui, par nécessité ou non, décidera d’employer des stratégies de la pédagogie institutionnelle devra avoir conscience qu’il perdra une forme de pouvoir, celui de décider tout seul. Ce ne sera pas une sorte de démission. Bien au contraire : il devra devenir un membre de cette collectivité tout en y restant l’adulte et sans en être un témoin inactif. Il devra accorder de l’importance à chaque intervention de ses élèves, aider certains à surmonter leur appréhension à s’exprimer, éviter que les discussions dévient en accusations, règlements de comptes ou exclusions et veiller à l’exécution des décisions prises, seule garantie de leur authenticité.

En effet, je remarquais rapidement qu’un minimum de règles, de libertés de décision, de responsabilités et de sujets de discussion programmés suffirent pour que le groupe naisse et se mette en marche. Il n’était pas composé de personnes complices mais d’individus se regardant autrement et en recherche de rôle à tenir. La classe commençait à se sentir impliquée dans sa propre démarche et acceptait de se donner les moyens de changer. Plus tard, le fait de pouvoir reporter à des moments de discussion des griefs ou des critiques de fonctionnement permirent à tous de bénéficier de plus de calme pendant les temps d’apprentissage et de moins de débordements passionnés pendant les discussions. Bien sûr, ce ne fut pas en deux ou trois heures d’échanges que tout changea mais de ces discussions émergèrent des idées qui devinrent projets communs à la classe. Des tâches nouvelles et des responsabilités différentes en découlèrent.

2. La pédagogie de projets

2.1. Le projet : une intention réfléchie qui s’inscrit dans le temps et dans l’action.

Jean Guichard , définit le mot projet " comme une mise en relation significative du passé, du présent et du futur qui privilégie cette dernière dimension. C’est ce futur, visé par l’action, qui donne, un sens déterminé au présent et au passé. La détermination d’un projet constitue toujours une ré-interprétation, une relecture, une mise en perspective du passé et du présent. "

Le projet, dans la mesure où il est une action, comporte une réflexion de trois ordres : sur la situation présente, sur le futur souhaité et sur les moyens à mettre en œuvre pour être réalisé.

Un projet ne peut se construire également que sur un présent apaisé.

2.2. Notre premier projet Il est né à la suite de la discussion qui nous réunit autour de " Pourquoi ça ne sert à rien de travailler ? " Je rappelle que tous devaient répondre à cette question.

Ceux qui, avec acharnement reprochaient qu’au collège : " Il est toujours question de travailler ! " ne surent, ce jour-là, que répéter ces mots : " Ca ne sert à rien de travailler. " et à la question " Pourquoi ? " de répondre " Parce que c’est nul ! "

Deux élèves osèrent dire que " Travailler à l’école permettrait de trouver plus tard du travail. "

D’autres phrases furent dites :

" C’est pas le travail qui est nul, c’est toi ! "

" Ici, j’ai pas envie de travailler, mais après, oui, pour gagner de l’argent "

" Moi, je m’en fous, car plus tard, je toucherai l’A.A.H. " (Allocation Adulte Handicapé)

Et moi, je ne savais pas ce que c’était que l’A.A.H.

Elle, R., a essayé de m’expliquer, mais je ne compris pas grand chose. D’ailleurs, elle-même se rendit compte qu’elle n’en savait pas suffisamment sur le sujet. C’étaient ses parents qui lui en avaient parlé comme quelque chose qui la mettrait à l’abri des soucis d’argent et donc du travail et, avant même que cela ne déborde entre eux en querelle, nous prîmes la décision de nous renseigner.

La fois suivante, je leur annonçais la venue dans la classe de Michèle (assistante sociale), de Jackie (formatrice à la S.P.F.P. ‘’Section de Première Formation Professionnelle’’) et de Véronique (interprète). Ces trois personnes travaillent à l’Ecole Intégrée Rabelais.

Il s’avéra que les parents de R. n’avaient pas tort et que l’A.A.H. était bien une somme d’argent (3650F) versée tous les mois à une personne à condition qu’elle ait 20 ans et un taux d’invalidité de 80%. Mais pour la percevoir il fallait avoir rempli le dossier de la COTOREP (COmmission Technique d’Orientation et de REclassement Professionnel) qui s’appelle ‘’Demande d’une personne adulte handicapée’’. On apprit que décider le versement de l’A.A.H. n’était pas la principale mission de la COTOREP mais plutôt celle d’attribuer la R.T.H. dès l’âge de 18 ans (Reconnaissance de Travailleur Handicapé) statut très important pour trouver du travail car il prouve que la personne est sourde, par exemple, mais qu’elle peut travailler quand même. Mais quand fut de nouveau abordée la question d’argent sur le fait que de trouver un emploi en détenant la R.T.H., permettait d’obtenir 10 000F, en plus de son salaire et tout en conservant pendant un an les mensualités de l’A.A.H., l’écoute fut intense et les questions fusèrent, chacun voulant être sûr d’avoir bien compris.

A la suite de cette visite et de toutes ces explications, il fut décidé que l’on mettrait tout ceci noir sur blanc pour ne pas oublier. Il fallut s’organiser. L’écrit les rebutait. Un panneau récapitulatif fut écarté, car moi, je ne voulais pas faire le travail à leur place. Comme ce sujet les concernait tous, chacun devait y participer. Ils étaient neuf : le travail serait donc découpé en neuf parties et chacun aurait la responsabilité d’une feuille. L’ensemble devrait ressembler à une histoire qui raconterait pourquoi et comment remplir un dossier COTOREP , ce qu’est la R.T.H. et à quoi elle sert. Dessiner l’histoire plut à tout le monde. Chacun relaterait une étape. Le choix du personnage qui expliquerait toute la procédure entraîna de vives discussions : Serait-ce un garçon ou une fille ? Serait-ce quelqu’un de la classe ou un personnage inventé ? Comment serait-il habillé pour qu’il soit reconnu à chaque page ? Il fallut employer le vote pour prendre ces décisions et ainsi fut retenu que le personnage serait un garçon aux cheveux noirs et frisés, habillé d’un jogging vert foncé et de tennis blanches. Ensemble, on se rappela toutes les explications de Michèle et de Jackie. On les classa par ordre chronologique et les neuf plus significatives furent retenues. Il n’y eut pas besoin de recourir au vote, à mon grand étonnement, pour l’attribution des étapes. Comme ces feuilles constitueraient une bande dessinée, il fallait donc penser à laisser de la place autour du personnage pour le faire parler dans une bulle et une marge sur le côté gauche de cinq centimètres pour les relier et en faciliter la lecture.

Quand commencer le travail ? Tous, pour la première fois, avaient envie de faire. Les neuf élèves devaient-ils être tous réunis ? Qu’allais-je faire pendant ce temps-là, étant donné que pour chacun d’eux le travail était bien défini, qu’ils n’avaient pas franchement besoin de moi et surtout que je ne voulais, en aucun cas, qu’ils croient que je les surveillais ? Je n’avais plus en fait qu’à ré-intervenir pour la partie écriture. Je proposai donc de séparer le groupe classe en deux sur les deux heures du temps informatique du jeudi matin. Ces deux heures, en effet, posaient problème car il y avait six postes pour neuf. Certains se mettaient donc à deux sur un même poste, contents d’être ensemble, mais n’avançant pas vite dans ce qui leur était demandé et ceux qui étaient tout seuls n’appréciaient guère d’être séparés car eux aussi avaient envie de discuter. Donc ils étaient la plupart du temps debout, car gênés par les postes qui faisaient écran à leurs signes. Bref, des élèves sourds qui discutent en signant ne tapent pas souvent sur le clavier. Ma proposition leur convint au point qu’elle resta inchangée jusqu’à la fin de l’année. La salle informatique était attenante à la salle de classe. Il suffisait de laisser la porte de séparation ouverte et de changer les groupes à l’interclasse. Quand je me rendis compte du bien fait de cette organisation, je regrettais de ne pas y avoir pensé plus tôt. Tout le monde était satisfait : l’ambiance et le travail s’améliorèrent comme par enchantement. Enfin deux heures que tout le monde appréciait.

Pour en finir avec notre premier projet, j’ajouterai que régulièrement, en ce qui concerne la partie " dessin ", je suis intervenue auprès des élèves qui réclamaient soit mon avis, soit un encouragement à poursuivre ou un conseil pour poursuivre et que j’ai tout à fait respecté l’interdiction de ceux qui ne désiraient me montrer leur travail qu’une fois terminé. Pour la partie " écrit ", chaque élève m’a d’abord ré-expliqué, en fonction de son dessin, la période correspondant au déroulement de l’histoire et après s’être mis d’accord sur ce qui devait être écrit, a essayé tout seul de le faire au brouillon. Après correction, il a recopié son texte sur le dessin et l’a entouré d’une bulle. Au fur et à mesure qu’une feuille était achevée, elle était affichée sous le tableau à la place qu’elle devait tenir dans la chronologie de l’histoire. C’était un bon stimulant pour ceux qui n’avaient pas encore rendu leur réalisation. Quand l’affichage fut complet, une discussion eut lieu pour que chacun critique, s’exprime sur le travail réalisé et que soient décidées les nouvelles tâches et attributions concernant le tirage, l’assemblage, la distribution et la présentation de l’ouvrage aux destinataires. Ainsi des rendez-vous furent pris avec la classe de 6ème 1, Monsieur le principal, Monsieur le principal-adjoint et Madame la bibliothécaire pour leur faire une présentation de la brochure et leur en laisser un exemplaire. Ainsi des courriers d’accompagnement à l’envoi du livret furent adressés à Monsieur le directeur de l’Ecole intégrée, à Jackie et à Michèle. Chaque élève eut son exemplaire et un fut déposé sur la table de la salle des réunions. Cette première réalisation avait soudé les élèves qui furent dans l’ensemble fiers de la montrer à leurs parents, de recevoir des compliments en réponse à leurs présentation et envoi et de s’être vus capables de répondre aux questions qui leur étaient posées. En fin d’année, les quatre élèves qui se présentèrent à l’examen du C.F.G. (Certificat de Formation Générale) désirèrent que, parmi les thèmes des questions orales qui pouvaient leur être posées, figurent la R.T.H..

Toutes ces heures passées, dans l’ensemble, dans une bonne ambiance de travail encouragèrent tout le monde à s’investir à nouveau dans d’autres projets.

2.3. Nos autres projets

Je ne rentrerai pas dans le détail des autres projets menés à bien. Cependant je préciserai qu’à chaque fois qu’il en est né un, c’est que les élèves étaient tous d’accord, tous prêts à participer et à se responsabiliser, même si, la plupart du temps, c’était de moi que venait la première impulsion, c’est à dire la première proposition quand je savais qu’il y avait à résoudre une problématique ou à vivre du non-vécu qui leur servirait plus tard. Mon objectif était qu’ils osent, qu’ils agissent, qu’ils se débrouillent, même s’ils n’avaient pas à leur disposition tous les moyens nécessaires pour accomplir certaines démarches, comme l’écrit, l’oral, la lecture mais aussi l’analyse, la réflexion, la déduction, l’anticipation. Mon objectif était qu’ils s’essaient, qu’ils aillent au bout de leur idée, de leur mode de pensée. Quand certains se sont trompés, il y a eu toujours quelqu’un d’autre que moi pour le leur dire et en même temps pour les diriger là où ils auraient dû s’adresser au départ s’ils avaient su. Ils ont compris que pour ce genre de travail, je ne donnais plus ni de consignes de départ, ni de démarches globales, ni de premières solutions mais simplement une aide en Français quand il leur fallait écrire ou lire. Ils ont compris que j’étais là pour les accompagner. Quand il y avait des rendez-vous pris avec des personnes de l’extérieur, c’était toujours les jours où Véronique (l’interprète) travaillait au collège.

Ainsi furent menés à bien : la recherche d’un logement, prendre le bus, des comptes rendus de visites d’entreprises, la bibliothèque de la classe, recevoir une camarade de classe de l’année précédente qui était en apprentissage couture, rencontrer un directeur de C.F.A. en agroalimentaire (Centre de Formation d’Apprentis).

2.4. Conclusion Ces projets communs à la classe ont favorisé le maintien du dialogue qui s’était amorcé lors de la mise en place de règles communes. Ils ont offert à chacun un aperçu de l’importance que peut avoir un engagement individuel pour une réussite collective. Ils ont été pour certains et pour moi-même une révélation d’aptitudes et d’initiatives insoupçonnées. Ils ont aidé d’autres à se donner une méthode personnelle et à s’approprier des contenus. En tous les cas, ils ont permis à tous de se séparer à ces moments-là de l’image aliénante qu’ils avaient d’eux-mêmes ou de l’autre. Ils ont fait fonctionner la classe dans la mesure où tous les élèves les avaient acceptés et jugés comme relativement utiles ou intéressants à faire. Ils ont été des activités signifiantes aussi bien sur le plan de l’apprentissage que sur celui de l’engagement social. Ils ont rassemblé les élèves et créé une ambiance de travail dont plus personne ne se plaignait. Ils ont engendré, pour les élèves suivant les cours de Français, des séquences plus centrées sur leurs manques de connaissances et par là-même plus abordables car réinvestissables dans des situations concrètes.

Le pédagogue qui utilisera les projets pour re-motiver le désir d’investissement de ses élèves aura un rôle d’accompagnement : il sera un médiateur et encouragera toutes les médiations possibles. Cela veut dire qu’il apportera à ses élèves toutes les aides et les supports qu’il aura rechercher pour leur rendre plus accessible un savoir quelconque qu’il soit de l’ordre des connaissances, des procédures d’action, des habiletés… Il n’oubliera pas que les camarades de classe, les parents, les amis, les autres professionnels et toutes les personnes invitées ou rencontrées au cours des différents projets sont, par leur relation d’aide, d’assistance et de guidance, des médiateurs. Il devra donc être prêt à accueillir et à travailler avec d’autres personnes dans sa classe. Il prendra également en compte que le langage, l’affectivité, les produits culturels, les situations, les relations ou les normes sociales sont des médiations. Il se rappellera enfin que " le projet, souvent assimilé au progrès, a une connotation toujours positive et qu’il est de l’ordre du paradigme valorisant l’activité concrète et organisée d’un sujet soucieux de se donner un but et les moyens adaptés pour l’atteindre. "
 
 

Conclusion générale





Travailler avec des adolescents sourds en rupture scolaire :

C’est pour l’enseignant savoir rassurer, responsabiliser et faire confiance à ses élèves en mettant en œuvre une pédagogie, en leur rappelant qu’ils sont seuls possesseurs de la clé de leur devenir et que son rôle, à lui, est de les aider à sortir de l’état où ils sont, essentiellement celui qui concerne leur grand retard sur le plan des acquis fondamentaux.

C’est réduire le trop grand écart entre le milieu socioculturel et scolaire en créant des liens : c’est donc travailler en collaboration avec les parents, la S.P.F.P. (Section de Première Formation Professionnelle), et pourquoi pas avec la S.E.G.P.A. (Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté), quelques structures associatives du département comme l’Association Lotus qui organise, entre autres choses, des spectacles destinés aux personnes sourdes et entendantes ou comme le service CAP Emploi implanté à Beauvais. C’est également favoriser l’information et l’utilisation d’adaptations techniques qui facilitent la vie pratique de la personne sourde comme par exemple : l’amplification avec l’intervention d’un audioprothésiste, le Minitel dialogue ou le téléphone portable à messagerie écrite en présence d’un technicien de France Télécom, l’informatique, certaines émissions de télévision diffusées en sous-titrage et / ou en Langue des Signes Française ou encore la nouvelle chaîne de télévision privée TV Pilote.

C’est les préparer à devenir des personnes adultes autonomes, les mettre en face des nouveaux professionnels susceptibles de s’occuper d’eux, leur faire rencontrer des personnes sourdes insérées dans le monde du travail en prévoyant des visites d’entreprises qui embauchent du personnel sourd.

C’est assurément remettre constamment en cause l’organisation de la classe et des activités, pour jongler avec les contraintes de temps et d’espace, pour tirer le meilleur parti des possibilités de chaque élève mais c’est aussi passer par des moments de doute car il est très difficile de faire apprendre, de donner envie, de créer des conditions de développement, d’estime de soi, d’activité.

C’est accepter de changer de rôle, de devenir organisateur, personne-ressource, maître de soutien, concepteur de moyens et de séquences didactiques, donneur de feed-back, négociateur de contrats, inspirateurs d’envies et de projets, médiateur entre les élèves et d’autres sources d’information ou d’encadrement plutôt que de rester le seul détenteur du savoir et du pouvoir dans la classe.

C’est aussi donner la possibilité aux élèves de devenir eux-mêmes personnes- ressources.

Bibliographie

BENTOLILA Alain

De l’illettrisme en général et de l’école en particulier

PLON – 1996

BIDEAUD Jacqueline, HOUDÉ Olivier, PEDINIELLI Jean-Louis

L’homme en développement

Collection Premier Cycle

P.U.F. – 5ème édition corrigée, novembre 1997

GUICHARD Jean

L’école et les représentations d’avenir des adolescents

Collection Le psychologue

P.U.F. – 1ère édition, mai1993

HANDISCOL’

Guide pour les enseignants qui accueillent un élève sourd

Ministère de l’Education Nationale – avril 2000

LE TESSIER Didier

Le projet individualisé du jeune sourd " De l’éducation précoce à l’insertion sociale "

Mémoire DDEEAS option A session 1996

MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, Direction des Ecoles, Direction des Lycées et Collèges

L’intégration d’élèves sourds dans l’Enseignement secondaire

Stage national du 7 au 11/2/1994

Collège des Buclos 38240 Meylan

PAIN Jacques

La pédagogie institutionnelle d’intervention

Editions Matrice octobre 1993

Docteur RIBSTEIN

Adolescence et surdité

Actes du VI ème colloque des 19/20 mai 1990 à Montpellier

Publication de l’A.R.I.E.D.A.

VIROLE Benoît

Culture sourde

Publication de l’A.P.E.D.A.F.