LA MUSIQUE CHEZ LES ENFANTS SOURDS
I La musique, une activité physiquement accesible aux enfants sourds malgré leur handicap. *
I.2. Qu'est ce que la musique? *
I.2.b. La musique, un assemblage de sons. *
I.2.c. Musique = écoute, mémoire. *
I.2.d. Musique = improvisation. *
I.3. Incidence de la surdité. *
I.3.c. Différents canaux de perception. *
II.1.a. Conditions matérielles et psychologiques. *
II.1.b. La pédagogie de l'écoute. *
II.1.c. Pédagogie de l'improvisation. *
II.1.d. Travail sur l'interprétation. *
II.2. les apports de la musique *
II.2.a. D'ordre pédagogique. *
ANNEXES ...................................................................................................... 33
Enseignante depuis 27 ans en milieu ordinaire, j'ai souhaité travailler avec des enfants déficients auditifs ou sourds après avoir eu l'occasion de vivre des expériences d'intégration dans ma classe.
De nombreuses lectures, des rencontres avec des professionnels spécialisés m'ont fait prendre conscience qu'il devenait nécessaire, pour progresser, de se remettre en question. Je suis donc arrivée au CNEFEI sans plus d'expérience, consciente de l'ampleur de la tâche, mais armée d'une dose importante de bonne volonté. C'est ainsi que dès les premiers jours, mes idées pré-conçues étaient ébranlées: des heures de musique étaient prévues dans l'emploi du temps. Je n'avais pas intégré cette discipline dans mon approche avec les enfants sourds. C'est pourquoi, lorsqu'il fallut trouver un thème de mémoire, " musique" et " sourd" étant deux mots qui me semblaient paradoxaux , je me suis interrogée sur :
"Musique et surdité : est-ce paradoxal?"
Après avoir fait un rappel des instructions officielles, en première partie j'essayerai de cerner les difficultés liées à l'enseignement de la musique chez les sourds en définissant ce qu'est la musique et comment les sourds la vivent avec leur surdité.
En seconde partie je démontrerai que travailler la musique avec des sourds est possible et même indispensable avec des stratégies adaptées. Je m'appuierai pour cela sur des exemples pris dans une classe de 7 enfants, du Centre Grosselin à Paris, en atelier "musique" et à l'Institut Baguer à Asnières lors d'un stage.
Conformément aux programmes de l'école primaire du Ministère de l'Education Nationale et de la Direction des écoles paru eu 1991 puis revu en 1995:"La mission de l'école primaire est essentielle, les élèves vont devoir acquérir différentes compétences au cours de chaque cycle. Il faut les initier progressivement aux concepts propres aux disciplines. Il s'agit d'amener les enfants à pratiquer des activités artistiques, à ressentir des émotions. Les enfants devront se situer dans le monde qui les entoure (le monde sonore en est un), manipuler des objets. C'est en rencontrant des obstacles que l'enfant, aidé de l'adulte, construit de nouveaux ajustement aux monde qui l'entoure." (cf. Les Programmes de l'école Primaire, C.N.D.P)
Sachant que les enfants doivent acquérir des compétences dans les différentes disciplines enseignées, nous nous intéresserons sur ce qui est demandé en matière d'éducation musicale. L’enfant devra être capable :
Pour beaucoup d'enfants, et plus encore pour les
sourds, qui ne bénéficient pas d'un accès au patrimoine
culturel des leurs, l'école est un lieu privilégié
à des pratiques artistiques, d'où l'importance de pratiquer
cette activité.
Pour mieux comprendre les rapports entre musique
et surdité et cerner les difficultés et les bénéfices
liés à l'enseignement de la musique chez les sourds, il importe
de bien définir ce qu'est la musique et en quoi elle est à
la fois un univers technique et un Art du monde des entendants.
A la base nous avons donc un support, un outil : le son, phénomène acoustique qui est une onde se propageant dans un milieu conducteur, qui a besoin de matière, l'air; l'eau. Il est émis par une source qui vibre, le vide ne conduisant pas le son. L'onde éveille en nous une sensation auditive et pour qu'elle soit sonore, il faut que la perturbation qu'elle crée ait suffisamment d'énergie (cf. Le temps de l'espace de Claire Renard). Le son musical est régulier en opposition aux bruits qui sont irréguliers. Le son a une qualité au niveau de la matière qui se définit par l'intensité, le timbre, la hauteur et la durée (il est essentiel de travailler ces différentes notions). Nous allons examiner la spécificité de ces différents paramètres du son.
La fatigue, l'âge modifient la sensation d'intensité.
De nombreux jeux sont à la disposition du pédagogue pour sensibiliser et ressentir l'intensité d'un son, pour arriver à des sons forts/faibles, des crescendos/ decrescendos. Nous allons en analyser deux :
Le son est fonction aussi du timbre.
Le timbre est tributaire du matériau de l'instrument et de sa forme. C'est la qualité particulière du son ; il change suivant la fréquence des vibrations et c'est ce qui fait que l'on ne peut confondre deux instruments. Les sons instrumentaux dont on peut reconnaître les hauteurs sont des sons présentant un mouvement périodique qu'on peut décomposer en une somme de sinusoïdes élémentaires : les harmoniques, un son riche en harmoniques est porteur d'informations au cerveau. Le timbre est perçu différemment selon chaque individu.
Ce paramètre est abordé avec les enfants grâce :
Un autre volet de la reconnaissance du son est la hauteur.
Cette particularité du son est importante mais difficile et demande un long travail progressif pour un affinement de l'oreille. Là aussi nous passons par le jeu, la manipulation :
En dernier lieu nous définirons la durée.
La qualité du son ne serait pas complète si la différenciation silence/son n'était pas ressentie. Le silence est important pour s'approprier la musique. C'est une nécessité pour bien entendre : on écoute le silence :
J'ai essayé de définir les différents
paramètres d'un son et donner quelques exemples de jeux pour arriver
au ressenti de ces aspets sonores. Mais il va de soit que ces jeux ne sont
pas suffisants, ils doivent être variés ; ce n'est là
qu'un échantillonnage.
Comme pour l'acquisition de la parole, l'univers des sons mis en mémoire depuis la vie in-utero laisse une empreinte unique et individuelle qui permet d'apprécier, de comprendre, voire de pratiquer la musique. La meilleure façon d'apprécier la musique est d'associer le son à la façon dont il se produit (l'instrument et le geste). L'accès aux concerts est une bonne démarche.
Par "écoute", il s'agit de découvrir les sons : leur nature, leur intensité, leur hauteur soit leurs paramètres.
C'est ainsi que la musique devient source d'apaisement, de plaisir et véhicule nos émotions au rythme des souvenirs et des sons qui leur sont associés.
Mais qu'est ce qu'écouter en matière musicale ? C'est, grâce à notre sens, l'ouïe : interpréter, analyser ce que l'on reçoit comme message. Mais cela demande une volonté personnelle - distinguer des sons agréables ou désagréables, savoir localiser ces sources sonores dans l'espace et suivre leur évolution dans le temps. C'est en fonction de notre imagination, notre vie affective, notre vécu, notre culture.
A partir de l'écoute musicale on peut éduquer
l'oreille mais aussi faire accéder les enfants à une imitation
et une créativité.
La première étape de l'improvisation passe par l'imitation de ce que l'on connaît.
Par exemple : un enfant dispose d'une grosse caisse le reste du groupe, une autre. Le meneur, l'enfant seul à sa grosse caisse, commence en grattant, en tapant, en frottant…. avec ses mains, ses ongles sur la peau ou sur les bords de l'instrument, les autres doivent le suivre ou répondre. On observe,au début de la séance, que le chef d'orchestre regarde les autres et a une production saccadée (avec quelques sons), l'intensité ne varie pas, la durée non plus ; mais très vite, il se plonge dans sa créativité et enrichit sa production et propose aux enfants une création de plus en plus élaborée, avec des silences. Son corps entre dans la composition de son interprétation et on peut deviner que le meneur ne s'occupe plus de vérifier si les autres le suivent, il vit ce qu'il fait, il réagit à sa production dans son corps, son visage (par des mimiques), il joue avec ses sons. Cela montre qu'il improvise et les autres imitent ou interprètent.
On peut aussi leur proposer d'interpréter la manière dont ils ressentent la mer, les oiseaux, le printemps… de trouver différentes façons d'utiliser un ballon de baudruche. Certains le frottent, d'autres le tirent, d'autres le pincent et petit à petit on découvre qu'ils ont une richesse de créativité, les idées foisonnent.
Autre proposition riche en créativité : il s'agit de demander aux enfants d'inventer des rythmes pour exprimer la joie, la surprise, la colère, la tristesse, l'angoisse…un sentiment de leur choix.
Au cours de ces moments d'improvisation ou d'interprétation on doit aussi revenir sur les différents paramètres du son. Chaque activité est un va et vient entre l'objet sonore, l'enfant musicien et la démarche choisie.
La pratique de l'improvisation va développer
leur imagination, ils vont créer leur propres "musiques" et en conséquence
affirmer leur personnalité. Par ces pratiques, l'enfant va découvrir
aussi que l'on peut être spectateur et/ou acteur par un changement
de rôle, de place dans l'espace temps.
Elle traduit des sentiments, des émotions,
des images, des pensées, imite la nature… et comme nous l'avons
vu, c'est un outil extraordinaire pour développer l'imagination
de l'enfant et lui donner accès à une autre dimension. Les
enfants manifestent aussi leur émotion, leur ressenti par un accompagnement
se manifestant en tapant dans les mains, en faisant des mouvements corporels
au rythme de la mélodie : certains suivent la pulsation, d'autres
réagissent aux différences d'intensité.
Pour bien faire le lien entre le monde des entendants
et celui des sourds, il s'agit de bien expliquer comment les sourds vivent
leur surdité c'est à dire que nous devons identifier leurs
problèmes, leurs outils et comment la perception peut être
développée et utilisée.
C'est l'appareil de transmission et de transformation des ondes sonores et l'oreille est l'organe majeur de l'audition. Elle se décompose en 3 parties :
- l'oreille externe
Elle est la partie visible de notre oreille. Le conduit permet aux vibrations de l'air d'atteindre le tympan. C'est la première chambre de résonance.
- l'oreille moyenne
Le tympan transmet aux osselets les vibrations dans l'oreille moyenne (celle ci les amplifie) qui transmettent le message sonore à l'oreille interne
- l'oreille interne
La cochlée est un système hydro-dynamique, une sorte de piston liquide. Les cellules ciliées réalisent le codage en impulsions électriques du signal sonore.
En résumé, l'oreille externe capte
les ondes, l'oreille moyenne augmente l'intensité de ces ondes et
les transforme en vibrations mécaniques et ces vibrations se transmettent
à l'oreille interne par les osselets.
Il existe trois types de surdité :
En résumé, on peut dire que leur niveau
de perception varie selon leur surdité et que leur position dans
l'espace temps est importante. Lors de nos séances du jeudi, j'ai
pu observer que certains enfants se mettaient les mains sur les oreilles
pour montrer que le son était trop fort. Quand le son leur parvient,
ils le manifestent souvent en bougeant leur corps, en tapant dans les mains.
On peut évaluer la perception de l'enfant en observant ses réactions
motrices, ce que nous l'aborderons dans le prochain chapitre.
E. Laborit dans son libre La mouette nous dit combien elle avait du plaisir quand son oncle lui mettait le manche de sa guitare dans la bouche. "Je sentais toutes les vibrations dans mon corps, les notes aiguës et les notes basses". Elle insiste sur la nécessité de baigner l'enfant dans un bain sonore. "Je vibrais à la musique" dit-elle.
C'est ainsi que lors de la séance d'écoute au Centre Grosselin j'ai pu voir que certains enfants mettaient les mains ou leurs orteils sur les hauts parleurs, d'autres se servaient d'un conducteur comme le ballon de baudruche, des cônes en carton ayant servis dans les usines de bobinages de fils.
L'ouïe nous aide à comprendre et à percevoir le monde.
La perception du monde est liée à nos
sens ce qui implique qu'il y a un lien entre la surdité et notre
image du monde (plus ou moins proche de la réalité selon
que tous nos sens fonctionnent ou non). Si nous n'avions aucune sensation,
nous serions dans le néant : amener des informations à notre
conscience améliore notre connaissance du monde qui nous entoure,
construit notre personnalité. Etre sourd conduit à recréer
une "réalité" différente de celle des entendants.
Il est donc important de la faire évoluer et de se servir de la
musique en tant qu'Art, phénomène culturel.
Par exemple, dans la classe, on ne peut pas se contenter de raconter une histoire oralement, on doit passer par l'image le mime, la L.S.F. De même, au concert, le sourd se sert de la visualisation des musiciens et des instruments comme il se sert de la lecture labiale.
Chercher à développer l'un de nos sens nous amène à faire évoluer notre image du monde, d'où l'intérêt de faire un travail sur le son avec l'enfant sourd pour lui permettre d'étendre sa perception de la réalité.
Nous avons vu qu'à chaque définition
de la musique correspond une difficulté du sourd mais pas une impossibilité.
Le problème sera donc de faire le lien entre musique et surdité,
de bien connaître les exigences de la musique et le fonctionnement
des sourds afin de trouver des réponses pédagogiques adaptées.
C'est un réel travail d'intégration.
La musique est un art extrêmement complet. C'est pourquoi il faut l'aborder comme une discipline pédagogique avec des variations à l'infini. Toutefois, il semble bien qu'une intégration précoce soit nécessaire pour que les résultats soient satisfaisants et la notion de plaisir, plus immédiate (on peut repérer, de plus, chez les plus jeunes une grande spontanéité).
Les sourds vivent dans un univers sonore structuré et ils peuvent tirer bénéfice d'une sensibilisation à l'art musical. Comme nous l'avons vu dans le chapître précédent, la possibilité de percevoir les sons par le corps tout entier est une faculté que nous devons développer chez les sourds dès le plus jeune âge comme nous développons la perception auditive à l'école maternelle pour les enfants entendants. C'est le sens vibratoire qui lui permettra de quitter son univers : il faut lui réveiller cet univers et pour cela nous allons reprendre les démarches suivies avec les entendants et nous essaierons de démontrer qu'elles peuvent être les mêmes pour les non entendants bien que des adaptations soient parfois nécessaires.
Tout d'abord, pour optimiser les séances il
convient de bien définir les cadres ; les enfants sourds ont besoin
de repères.
- cadre : disposition d'installation
L'adulte doit veiller à ce que tous les enfants soient dans son champ de vision de façon à être vu des enfants mais aussi pour mieux capter leur réactions (disposition en cercle ou en 1/2 cercle).
Quand on utilise des instruments, il faut les mettre derrière soi pour écouter les consignes (on évite de se laisser perturber)
- cadre de dynamique de la séance
Il faut toujours faire une progression : partir de choses déjà connues d'eux et complexifier l'exercice petit à petit. La progression est identique que pour les entendants mais la démarhe est adaptée.
La phase sensorielle est primordiale et il ne faut pas hésiter à y revenir au cours de la séance car l'enfant sourd doit toujours se référer à ses sensations vibratoires.
Pour aborder l'activité musicale, il est bon de se mettre en condition. Plusieurs exercices sont proposés aux enfants pour les amener à se relaxer et à sentir leur corps : faisons le tour de notre corps.
Mme Magali Viallefond, professeur au C.N.E.F.E.I, dans son ouvrage Formation d'éveil musical définit "l'objet sonore" selon trois critères : la matière, le temps, et l'espace. Elle montre que le musicien se met en relation avec cet "objet sonore" en s'engageant dans des démarches créatrices telles que l'écoute, l'interprétation, l'improvisation, la composition. La personne agit avec son corps physique, son corps psychique, son être social et qu'elle peut être en interaction avec un groupe.
Me servant de ce schéma je vais essayer de
reprendre cette démarche.
L'enfant sourd, comme l'enfant entendant, est attiré par le jeu instrumental : plaisir du geste, plaisir de la découverte, plaisir de la production.
Ayant toujours en mémoire que la musique n'a de sens que si elle est ressentie, nous comprenons bien pourquoi l'écoute musicale ne peut pas être passive. Au travers d'exemples, d'observations d'activité je montrerai que l'enfant sourd apprend en agissant : il doit donc manipuler des objets sonores, s'en imprégner pour ensuite avoir la reconnaissance.
Il faut apprendre à écouter, cela permet de prendre conscience de l'environnement sonore et pour cela nous disposons d'outils.
Avec le groupe de 7 enfants de 6 à 13 ans, sourds et en difficulté scolaire de Florence Moleux, nous proposons de s'installer autour d'une table où un magnétophone est posé. Les enfants sont invités à écouter un morceau musical et pour faciliter leur écoute on leur a donné des ballons de baudruche, des cônes. Ils savent d'où vient la source sonore mais ne sont pas satisfaits : ils veulent ressentir le son. Ils mettent les mains sur les haut-parleurs, prennent les ballons qu'ils approchent des haut-parleurs posent leurs mains ou leur oreille, de la même façon ils expérimentent avec les cônes ; ils sont en recherche pour une meilleure écoute, ils établissent un contact avec la musique. Quand ils ont trouvé leur meilleur confort d'écoute, ils prennent la véritable dimension de leur ressenti et accompagnent la musique qu'ils entendent de frappes de mains, de balancements, de mouvements corporels.
Prenons une autre séance vue dans une classe lors d'un stage. Le groupe est composé de 5 enfants sourds profonds et sévères de grande section maternelle. Les enfants sont dans une salle aménagée spécialement pour l'activité musicale et disposant d'un plancher vibrant. La salle est dans une semi-pénombre. Les enfants vont écouter une cassette vidéo des "Tambours du Bronx". Chacun s'installe selon son ressenti : l’un reste debout, alors que les autres s'allongent en s'étirant comme s'ils ne voulaient épargner aucun muscle, aucune partie du corps et ils écoutent en regardant la cassette. Un des enfants réagissait à chaque changement de rythme, d'intensité ; sa tête se rentrait dans ses épaules quand les musiciens manifestaient leur colère, son visage se crispait quand il a entendu l'orage, et une sérénité est apparue lors des sonorités douces. Deux autres frappent sur le plancher en même temps que les musiciens et leurs gestes reproduisent ce qu'ils entendent. Les autres vivent la musique visuellement.
Troisième expérience.
Les enfants sont dans une salle bien aménagée, de bonne acoustique, à la décoration qui rappelle les musiques que l'on écoute (en l'occurrence, ici, tapis au décor naïf africain) et un matériel hi-fi de bonne qualité. La pièce est mise dans le noir, des gants blancs ont été distribués, la musique est mise en route et les enfants traduisent leur écoute par une expression corporelle axée aux mains, bras et doigts. La magie est totale, les enfants s'expriment. Les mouvements sont amples, les doigts bougent rapidement quand la musique est forte, et ils se recroquevillent pour exprimer le doute, des nuances de crescendo et de decrescendo peuvent apparaître chez certains mais l'adulte a une télé commande et quand il stoppe la musique les enfants font la statue, le silence est marqué par l'inaction.
Analysons le jeu des boites de graines. Il faut remplir des petits pots (style yaourts) de sucre en poudre, de sucre en morceaux, de cailloux, de grosses pâtes en quantité égale dans ces boîtes destinées à former une paire et bien refermer. Visuellement les boîtes doivent se ressembler. Chaque enfant essaie de reconstituer une paire en secouant les boîtes. Ce jeu est très intéressant car la sensation tactile et l'audition s'aident. Mais nous avons constaté qu'il faut donner des graines, des objets qui se différencient très nettement car des enfants sourds perçoivent difficilement des différences de ton peu importantes
Au travers de ces différentes expériences, nous voyons bien que les enfants vivent corporellement les éléments constitutifs de la musique (les différents paramètres) et ils les réinvestissent. La perception de ces paramètres et cette discrimination s'obtient par un travail régulier avec son corps et les instruments. Le visuel sert de lien entre l'imaginaire et la musique.
En quoi peut-on dire qu'un enfant sourd écoute?
Tout d'abord ses manifestations gestuelles ou mimiques nous l'indiquent. Ainsi j'ai pu observer un enfant au cours d'une séquence et voici mes constatations : dans un premier temps j'ai vu ce que je qualifierai "phase de concentration et d'attente" : le visage est tourné vers la source sonore, les traits sont tendus car l’enfant attend quelque chose ; il est attentif. Dans un deuxième temps, il manifeste une expression de détente brusque à l'arrivée du son, puis le visage s'anime, le corps aussi et il rentre dans le son (il vit le son). Dans un dernier temps le sourire, le contentement, la sérénité, le bruit entendu est identifié (plus ou moins finement) ou l'image saisie. Cet enfant observé a même fermé les yeux et semblait en communion totale avec ce qu'il écoutait. Le morceau terminé, il a ouvert les yeux très vite mais a mis plus de temps à se remettre dans le groupe (il devait sortir de sa musique).
J'ai dit, dans le dernier temps, que l'enfant manifestait
du contentement mais certains peuvent manifester de la souffrance, du déplaisir
mais ils ont des sensations. L'enfant affirme ses goûts et par une
autre démarche pédagogique.
Il s’agit de faire un travail de fond, progressif, soit par une meilleure connaissance de son environnement quotidien (voitures, trains, bruits de la rue, appareils ménagers…), soit en partant des musiques qu'ils peuvent entendre chez eux, considérant qu'il y a une nourriture sonore à la maison (télé, musique familiale) ce qui peut permettre des échanges culturels entre enfants mais aussi avec la maîtresse. Les enfants vont donc pouvoir aborder la créativité. Pour cela il faut maîtriser son instrument qui peut être la voix, son corps ou des instruments de musique. Au fil des séances, les productions s'enrichissent, se structurent et se personnalisent (on passe de la cacophonie à une œuvre).
Prenons dans un premier temps la voix, le corps comme instruments sonores.
La voix des sourds est souvent étrange, monocorde, enrouée… En intensité, elle est soit trop forte, soit pas assez. En hauteur, certains sons sont confondus car pas entendus, les pauses mal placées. La voix émet des sons. Elle est donc traitée comme un instrument et tous les paramètres rentrent en action.
Pour cette démarche, les exercices démarrent d'une imitation d'événements sonores appartenant au quotidien, au monde connu :
Nous avons fait deux groupes, un roule avec sa voiture et le second avec un camion et ils font le même déplacement ; il en résulte qu'ils évoquent les deux véhicules différemment (le crescendo est la vitesse). D’autres situations peuvent être proposées :
Chacun s'inscrit avec sa voix et partant de cela, nous ne priverons pas les sourds de ce moyen d'expression. Le chant, chez certains sourds, est un travail autour d'une phrase, d'un mot, d'une syllabe, demande une adaptation des paroles et de la musique. Je m'explique en prenant deux exemples :
Halloween (voir annexe 1).
Nous avons présenté cette chanson suite à un travail effectué en classe avec leur institutrice sur les sorcières et la fête d'Halloween. L'intervenant a amené l'histoire par un travail vocal sur les voyelles [a] ; [i] ; [o] et on fait émerger petit à petit le mot " Halloween" ; puis on passe à une phase instrumentale et de mime : l'intervenant mime une sorcière qui tourne à l'intérieur de la ronde un sac sur le dos et chantant la chanson, elle s'arrête fouille dans son sac en sort un instrument et l'enfant suit en jouant de l'instrument ; à l'issue du tour, l'instrument est jeté dans la marmite et tous les enfants chantent la "formule magique" ( refrain )
Par cette petite chanson, avec des mots familiers, les enfants ont fait émerger la notion de hauteur avec le jeu des voyelles. Ils se sont imprégnés du rythme musical: on danse autour de la marmite, de la notion de durée : on joue sur le mot Halloween, de la notion d'intensité : on chante doucement la première fois et le bis est repris plus fort, du rythme temporel : on tourne en rond au couplet, l'enfant choisi joue d'un instrument au refrain et l'on reprend le schéma couplet/refrain. De plus ils ont manipulés des instruments, ils se familiarisent.
C'est Carnaval (voir annexe 2).
Nous suivons la même démarche en nous appuyant sur les événements du calendrier.
Les enfants sont en ronde, un autre enfant se trouvant au milieu. La ronde chante et sur "ouvrons le bal", l'enfant du milieu choisit un partenaire. Sur "la,la, la…" la ronde frappe dans ses mains (pulsations) et le couple danse.
Là aussi, les notions de rythmes musicaux et temporels sont abordés, ainsi que les pulsations.
Par leur dynamisme ludique et leur charge affective (rapport avec des événements vécus) ces chants répondent aux besoins de mouvements des enfants. Mais je reviendrai sur la difficulté du pédagogue non professionnel de la musique. Ces chansons ont été créées par Magali Viallefond, formatrice au CNEFEI et accompagnatrice de notre atelier, en fonction des capacités des enfants : petites mélodies et paroles adaptées à leur tessiture, remaniées éventuellement au cours de la séance si des difficultés pour certains mots apparaissaient. Cependant il faut vaincre cette barrière : l'attente ressentie pour ce moment de chant et le plaisir qui se dégageait chez certains sont de bons arguments. Chaque enfant doit pouvoir s'approprier sa propre chanson. En outre, nous répondons aux textes officiels qui demandent un répertoire de chansons et un accompagnement avec des instruments ou son corps.
Nous mettons à disposition des enfants un grand nombre d'instruments sur le tapis : des percussions comme les claves, les castagnettes, les maracas, les triangles, les cloches, le tambour… L'enfant sourd, comme l'enfant entendant, est attiré par les instruments, le plaisir de la découverte, de la manipulation. Cette étape est très importante car elle permet de se familiariser avec l'instrument, de le ressentir (on observe que certains sont rejetés, n'engendrent aucune sensation) et de faire son choix. On cherche toutes les façons de jouer d'un instrument, tout en indiquant aux enfants la manière conventionnelle de l'utiliser.
Prenons l'exemple d'un enfant qui joue sur une cloche tibétaine : il tape sur le bord, puis il passe sa batte à l'intérieur mais il n'est pas satisfait. Il reprend en donnant des petits coups bien au milieu, il est content, continue et cherche d'autres possibilités. Il frappe toujours au même endroit mais c'est son mouvement qui se modifie : le geste part de plus loin, il accélère puis il découvre qu'il peut stopper le son en mettant la main sur la cloche et maintenant tout s'enchaîne, il est dans sa création et de temps en temps il recherche le regard des autres pour voir ce qu'ils ressentent à sa musique. Il joue mais pourquoi ? Car il a des sensations, sous forme de vibrations corporelles, des nuances des sons qu'il produit. Il est dans l'improvisation, dans la création, deux démarches qui se recoupent et se complètent. Il repère aussi par son interprétation les morceaux qui lui semblent agréables d'où la recherche de l'adhésion des autres.
Nous avons vu un enfant dans son improvisation mais
il faut passer au jeu collectif, c'est un exercice difficile car il demande
une écoute de l'autre
C'est une démarche que je n'ai pas vue lors de mes stages ou atelier mais je me suis interrogée sur la façon dont je la concevais. J'ai défini "interprétation" comme mise en musique d'une petite histoire (interprétation de l'histoire) et réinvestissement des acquis.
Je me suis appuyée, dans ma réflexion, sur la classe observée à l'Institut Baguer, disposant d'une salle bien aménagée, avec un matériel riche et ayant une culture musicale avancée. A partir de leur acquis, j'ai pensé que nous pourrions inventer une petite histoire et la mettre en musique pour lui donner une autre dimension. En l'occurrence je me serais inspirée de l'Afrique puisque tel était leur thème (même la décoration de la pièce était adaptée). Cette histoire comporterait deux ou trois personnages (êtres ou animaux) avec un cadre, une action, un décor et ce sont les instruments qui vont jouer l'histoire. Nous mettons donc des instruments à disposition des enfants. Dans un premier temps on les laisse explorer toutes les possibilités de leur instrument et rechercher la meilleure façon de symboliser les personnages, les actions… accepter toutes les propositions. Dans un second temps on passe aux choix, à la mise en forme, à la structuration. Il faut sélectionner et s'attribuer les rôles et organiser avant d'obtenir la phase finale (on pourrait prendre comme objectif jouer devant le personnel qui gravite autour d'eux).
Cette activité est peut être un peu
utopique avec des enfants sourds mais je pense qu'elle peut être
tentée en fin d'année, après une démarche d'apprentissages.
Ils pourraient ainsi mettre en pratique ce qu'ils ont étudié
tout au long de l'année. Cela pourrait de plus être pris comme
une évaluation de tout notre travail. Si je formule ce projet c'est
après avoir participé au travail de manipulation, d'exploration
avec les enfants de l'atelier et avoir constaté qu'ils s'étaient
appropriés l' "objet sonore" et aussi après avoir vu une
vidéo d'un spectacle monté par Madame Viallefond avec des
enfants handicapés (quelques jeunes sourds y participaient), spectacle
présenté à Suresne en 2000. Voyons comment nous sommes
parvenus à cette appropriation :
Nous voyons la façon dont nous avons abordé les différents paramètres avec la classe de Florence au Centre Grosselin.
Pour un enfant sourd il ne sert à rien de jouer fort, cela peut même devenir une souffrance avec leurs appareils, il nous faut donc prendre en compte leur zone de confort
Abordons concrètement l'activité par des jeux vocaux et instrumentaux.
* les jeux vocaux.
- choisir une voyelle ou une onomatopée, mettre les mains en entonnoir au niveau de la bouche et plus l’on éloigne ses mains, plus l’on dit fort et inversement. Cela s'accompagne d'une grande amplitude gestuelle ou d'un recroquevillement.
- avec le chant : le couplet est fort et le refrain faible (bis: 1ère fois fort, 2ème faible)
* les jeux instrumentaux.
- nous sommes en rond et avons choisi un instrument : il s'agit de reproduire le plus fidèlement le son que le meneur a joué.
- les enfants interprètent des thèmes de la vie quotidienne ou de leur environnement (le marteau piqueur, la sirène des pompiers, un gazouillis…), ce qui nécessite d'avoir des images mentales.
A l'issue de ces jeux nous abordons le codage en
présentant des cartes de couleur (pour les différencier de
celles symbolisant les instruments) ainsi
Les enfants sont invités à découvrir leurs significations. Ensuite ces cartes rentrent dans la composition des petites partitions.
Les enfants avaient beaucoup de plaisir à frapper fort mais il a été plus difficile d'obtenir de frapper plus doucement car cela demandait une maîtrise d'un geste contrôlé et ralenti. Nous avons essayé de tout mettre en œuvre pour que les enfants ressentent ces notions F/f et les réinvestissent. Ils se sont aussi appropriés le vocabulaire.
Ces notions sont reprises au cours des autres séances comme chaque paramètre du son.
Voyons maintenant le timbre.
Nous allons donc affiner cette différenciation :
Une autre notion travaillée est la hauteur.
Cette différenciation peut s'exprimer par le corps : les sons aigus, on se grandit ; les sons graves, on se met accroupis. On accompagne sa voix avec son bras, plus le son va vers les aigus, plus le bras monte.
Dans mon expérience il a été difficile de contrôler jusqu'où les enfants déficients auditifs sévères percevaient le son : pour certains, comme Assina et Sarah, cela ressemblait plus à une imitation de mouvement de ceux qui étaient devant elles. Quant à Alexis, il nous faisait savoir qu'il entedait des sons mais son mouvement était en décalage.
Etudions enfin la notion de durée.
Avec des jeux vocaux, on prolonge une syllabe et l'autre on la fabrique furtive. Par exemple, à l'époque de Noël, nous avons joué sur ces deux syllabes "Nooooooooo" et "el". On accompagne le son par le geste : les deux mains s'éloignent en voyageant dans l'espace (pas de façon linéaire) pour "Noooooo" et on sautille en essayant d'attraper les étoiles sur "el".
D’autres exemples de séances peuvent être proposés aux enfants :
La découverte du monde sonore ne peut se réduire au découpage des notions proposées mais doit se travailler en globalité.
Prenons désormais une séance type où les objectifs étaient d'appréhender la pulsation, le rythme et d'introduire les notions de "croche" et de "silence" (voir annexe 3)
Bilan de la séance présentée dans l’annexe 3.
Les enfants ont bien intégré la phase corporelle et la matérialisation sur la grande feuille. Ils étaient tous dans la musique. Par contre, la phase instrumentale était trop chargée, avec trop de nouveautés. Certains se sont dispersés : Angélique, meneuse du groupe était perdue et a refusé de participer si bien qu'Assina et Sarah en ont fait autant. Nous n'avons réussi à les récupérer qu'au chant car ils étaient actifs.
Mathieu suivait la partition mais anticipait sur le trait suivant, il ne tenait pas compte des pulsations.
Dans cette phase instrumentale les enfants n'étaient plus dans la musique mais dans la lecture.
Une autre difficulté de la séance est la frise avec les traits surmontés d'une croix (le silence) : il aurait fallu inciter les enfants à dessiner le silence en faisant un mouvement dans l'air.
Marine attend toujours avec impatience la phase chantée : c'est une phase indispensable pour elle : elle continue à chanter en se rechaussant, elle a du plaisir et de plus, elle construit le temps : elle sait dire que c'est l'heure d'aller dans la cour, elle s'est construite des repères.
Assina et Sarah s'échappent encore de l'activité. Elles ont besoin de se singulariser dans les activités de groupe mais dès qu'on demande une interprétation individuelle elles réintègrent car elles veulent participer, d'où la nécessité de faire des phases individuelles devant les autres.
Chaque séance était construite sur ce schéma. Les enfants se sont appropriés des fonctionnements temporels : l'atelier est inscrit dans l'emploi du temps, les enfants attendent ce jour fixe, le jeudi matin. On le retrouve à chaque fois sur le calendrier. Par les rituels, le temps se construit et on amène la notion d'ordre, de régularité. Par le contenu proprement dit, on introduit la pulsation, le rythme, le tempo, les notions de durée, les chants avec couplets/refrain, la répétition, l'alternance (je fais/j'écoute).
Conformément aux textes officiels nous avons
appris à discerner quelques caractéristiques du son, à
se repérer dans le temps et avons fait appel au codage.
La musique est un mode d'expression qui permet de se révéler, de raconter beaucoup de choses, d'affirmer sa personnalité. Une stimulation insuffisante peut entraver ce processus de développement de la personnalité. En ce qui concerne l'enfant sourd tout dépend de son degré de surdité et de son environnement : motivation, prise en charge précoce, mode de communication (la musique peut être considérée comme un mode de communication). Cette carence de communication engendrée par un déficit auditif peut entraîner un retard dans la construction de sa personnalité, une déficience de la mémorisation, de sa capacité d'abstraction.
Travailler la musique avec des enfants sourds élargit le champ des possibilités pédagogiques et les bénéfices sur la scolarisation, la socialisation sont multiples. Cela aide à développer les capacités d'abstraction accrues propres à être réinvesties dans tous les champs disciplinaires (mathématiques, lecture, …). De nombreux liens peuvent s'établir entre l'éducation musicale et l'apprentissage de la lecture en travaillant les rythmes avec des voyelles, des onomatopées. Grâce à l'apprentissage de la musique, l'enfant apprend à fixer son attention, à être concentré, à maîtriser ses connaissances en les réinvestissant.
Cela est également source d’une ouverture culturelle des enfants, d’une intégration au milieu qui les entourent et plus largement à une communauté, un pays.
Enfin, la pratique d'un Art à part entière
qui permet l'accès à la danse, la poésie, la peinture…
et le développement de l'imaginaire.
L'enfant sourd a des difficultés quand il écoute et que d'autres sons viennent s'interférer. Mais nous l'avons vu, l’enfant apprend en agissant.
Les entendants ont la capacité de filtrer l'information qui les intéresse. Un enfant sourd qui n'a pas une pratique, n'a pas cette faculté. Aussi, par une mise en situation régulière dans un bain musical, l'enfant sourd apprend-il à analyser les informations qui seront de plus en plus complexes. Par des activités vocales l'enfant sourd apprend à écouter sa voix et à la maîtriser. La conscience de la régularité de l'accent et de sa maîtrise font que l'enfant sourd aura une voix qu'il saura mieux moduler et qu'il aura plus tonique.
Par un affinement de la perception auditive, l'enfant sourd développe une attention aux informations qui lui permettra un repérage des phonèmes et lui apportera une aide à l'apprentissage de la lecture. Les différents paramètres du son se retrouvent dans la lecture : ne doit-on pas mettre le ton ? Marquer un temps d'arrêt aux points ?
La structuration du temps par la pratique des rythmes auditifs, la reproduction de cellules rythmiques simples fera prendre conscience à l’enfant de l'écoulement du temps et de la notion de durée.
Quant à la structuration de l'espace l'enfant sourd l'acquiert par les déplacements du corps dans l'espace suivant une musique. Il commence à repérer des déroulements chronologiques (écoute musicale).
Grâce à l'éducation musicale l'enfant devient capable de mémoriser des textes courts (comptines, chansons) mais aussi des thèmes musicaux. Il apprend à fixer son attention, à soutenir un effort, à devenir rigoureux (jouer, chanter avec précision), à maîtriser des connaissances (identifier, analyser). L'enfant acquiert des compétences méthodologiques qui permettront le développement de l'intellect.
Le bon fonctionnement des organes sensoriels des enfants sourds favorise le développement de leurs capacités intellectuelles. Il est donc important de palier au déficit en trouvant des stratégies. L'éducation musicale est un moyen pour un enfant sourd de stimuler sa capacité d'audition.
Par la rigueur, les règles, l'enfant, tout en manipulant, apprend à se concentrer et peut aborder l'apprentissage de la lecture et du langage par l'analyse phonologique. Par ce travail, l'enfant acquiert une perception des sons, une discrimination et une identification.
Par la connaissance des instruments, par la fabrication de certains (maracas), par l’utilisation de jeux de cartes il fait travailler son intellect et développe son vocabulaire.
Le codage facilite son accès à la symbolisation,
à l'abstraction.
L'enfant sourd, comme l'entendant, adapte les gestes musicaux en fonction de contraintes liées aux instruments, à l'intensité, à la difficulté motrice (certains avaient beaucoup de mal à utiliser leurs mains), au rythme, à la durée (on a découvert que l'on peut jouer bref avec certains instruments à condition d'arrêter le son : triangle, cloche tibétaine).
L'ampleur, la lenteur, ou la rapidité des
gestes travaillent la motricité fine de l’enfant qui la réinvestira
dans l'activité d’écriture.
On a pu remarquer, au cours des séances, que petit à petit, l'enfant manifestait sa sensibilité et était capable de donner son avis, il était capable de nous dire ce qu’il aimait et ce qu’il n’aimait pas.
Il a aussi appris à respecter le travail des autres, à écouter, à tenir compte des règles du jeu : il faut attendre son tour, accepter de se prêter les instruments, de ne pas toujours commencer le premier.
En développant son attention, son goût
de l'effort, il arrive à un dépassement de soi. En l'aidant
à découvrir le monde artistique et plus particulièrement
la musique, on aide l'enfant à s'intégrer dans le monde des
entendants.
En améliorant sa qualité d'audition, l'enfant sourd améliore sa communication. Or la communication permettant la structuration de la pensée, il se réalise, se construit en tant qu'individu (la pratique musicale comme la parole ou la LSF y contribue).
Par la pratique musicale l'enfant apprend à s'épanouir. Par l'écoute de musiques d'autres pays ou la pratique d'instruments d'autres pays, l'enfant s'ouvre à d'autres cultures.
A travers ce chapitre sur les différents apports
de l'éducation musicale pour l'enfant, en l'occurrence l'enfant
sourd, nous avons montré qu'affiner l'audition ou faire accéder
l'enfant à un champ plus vaste de vibrations c'est, comme l’écrit
M.Martenot dans Principes Fondamentaux de formation musicale et leur
application, "aider l'homme à trouver sa juste place dans
le monde "
Après toutes mes observations, soit en atelier, soit en stage, j'ai pu constater que l'éducation musicale pour un enfant sourd n'est pas un paradoxe .
L'enfant sourd a des capacités. Il faut lui proposer une éducation musicale qui prenne en compte sa surdité et soit une source de plaisir ; ceci implique de développer la perception des sons par une autre voie que celle habituellement utilisée, la voie auditive.
L'enfant sourd ne perçoit pas toujours ce qu'il joue pazr le canal auditif mais il ressent, c'est le corps tout entier qui est réceptif et pour qu'il y ait sens, il convient d'opérer un codage des vibrations sonores. Il peut ainsi identifier les sons. C'est un long travail qui passe par un apprentissage méthodique, une mise à disposition d'instruments vocaux et instrumentaux et une pratique d'écoute. L'enfant sourd s'épanouit en pratiquant la musique sur plusieurs plans : physique (de façon kinesthésique), psychique (travail de l'imaginaire) et social (communication et intégration).
De même on a pu constater que l'enfant acquiert une autonomie en se structurant, par une méthodologie de travail ; il construit les concepts de temps et d'espace.
La place de l'activité musicale, comme toutes les activités artistiques, c'est de permettre d'associer ces activités avec la pensée de l'image, du sensible. L'enfant est engagé en tant que sujet actif pour laisser venir l'imaginaire, le rôle de l'enseignant est de dynamiser, d'accompagner sans être intrusif.
Si en arrivant dans cette formation, j'avais des
doutes sur cette activité avec des enfants sourds, je repartirai
avec un grand désir de prolonger cette expérience qui pourra
peut être passer par : assister à un concert et découverte
d'autres instruments tels que ceux à cordes, le piano….Mais avant
tout, il est important de faire comprendre l'utilité du "projet
musique " dans l'établissement, de le faire reconnaître par
tous pour avoir les moyens de la mise en œuvre : un lieu approprié,
intégration dans tous les emplois du temps, instrumentarium riche..
* Le temps de l'espace de Claire Renard. Edition Van de Velde
* Rééducation Orthophonique de Maïté Le Moël. Volume 31 n°175 p 301-305
* Principes fondamentaux de formation musicale et leur application de Maurice Martenot. Edition Magnard.
* Eveil au monde sonore d’Eugéne Berel. Edition J.M Fuzeau.
* L'orthophonie et l'enfant sourd d’Annie Dumont. Edition PUF.
* L'enfant sourd en concert d’I Kauffman. Rééducation Orthophonique Vol.31 Sept.93 175
* A.R.I.E.D.A Actes du Colloque 23 et 24 mai 1992 Voix et Surdité.
* Vicariance et Pertinence chez le sourd d’Alain Carré. Atelier de reproduction des thèses de Lille.
* De l'ouïe à l'audition d’Alain Cabero.
* Développer les capacités d'écoute à l'école de Jacquotte Ribière-Raverlat. Edition PUF.
* L'expression Musicale d’Anne-Marie Chevalier. Edition Armand Colin.
*Formation d'éveil musical de Magali Viallefond, formatrice au C.N.E.F.E.I
Annexe 1
La sorcière, la sorcière Est une vieille sorcière Qui fabrique, qui fabrique Des drôles de potions magiques Halloween Halloween Tournez, tournez le bouillon Tournez, tournez le bouillon Halloween Halloween Secouez, secouez le bouillon Secouez, secouez le bouillon |
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Annexe 2
C'est Carnaval
C'est carnaval
Qui vient danser
Ouvrons le bal
La, la, la, la, la, la, la (bis)
Annexe 3
Objectifs :
Organisation : les enfants sont placés en cercle
Phase corporelle: sur place
Frapper dans les mains, sur les bras, le torse, les cuisses… de façon régulière, puis 2 fois rapidement et une fois plus lentement (=2 craches 1 noire).
Face à face 2 par 2 : frapper régulièrement le 1er temps dans les mains de son vis à vis, le 2ème dans ses mains
Frapper le 1er temps dans les mains de son vis à vis, le 2ème et le 3ème dans ses mains
en se déplaçant
Marquer la mesure avec les pieds
L'enseignant frappe au tambourin : des noires, les enfants marchent
Des croches ils courent
Matérialiser la pulsation : les enfants sont à genoux avec une feuille devant eux, l'enseignant tape sur le tambourin, les enfants dessinent un trait vertical sur la feuille à chaque frappé.
Même exercice, debout toujours en cercle et sur une écoute de musique ; à chaque passage devant la feuille accrochée au mur, les enfants le rythment de plusieurs traits verticaux.
Phase instrumentale : les enfants sont en 2 groupes : tambourins et maracas
L'enseignant montre une frise de traits verticaux, les enfants jouent d'abord ensemble en suivant l'enseignant qui indique les traits; chaque groupe reprend (on écoute l'autre groupe, on change d'instrument )
nouvelle frise avec des traits verticaux et certains sont surmontés d'une croix = silence
3ème frise avec le dessin des instruments, chaque groupe suit le déroulement de la partition avec l'aide de l'enseignant qui matérialise avec un règle l'avancée.
Phase vocale :" C'est Carnaval" on la reprend sous forme de
ronde